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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/162

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quait à la brasserie à peine descendu du train de Genève, avait bien raison de dire que Lipp devait beaucoup à la Nouvelle Revue Française, à Grasset, à Rieder, au Divan, à la Revue Universelle, à l’ancienne Revue Critique, au Théâtre du Vieux-Colombier, à Voilà et à Marianne, à la Conférence Molé, au Sénat, à l’Association des Lauréats de la Fondation Blumenthal, au Front Populaire, aux libraires, aux bouquinistes et aux hôteliers intellectuels de ce quartier unique…

Depuis ce temps, et pour toutes ces raisons, j’ai pris l’habitude d’aller chez Lipp. « Je n’en suis pas », comme tant d’autres, je suis encore dans la dixième, mais j’y vais, comme un Anglais à son club, sûr d’y retrouver chaque soir un vrai camarade en compagnie de qui il est doux d’entamer, par le temps qui court, un lendemain chargé d’un imprévu qui pèse…

Tantôt, c’est Monzie, qui déclenche son feu à répétition d’idées aiguës ; c’est Léon Bérard, qui est un seigneur et le plus « attique » de nos ministres ; c’est Daniel Vincent, qui aime les poètes et dit si bien les vers, avec son air farouche et sa grosse moustache ; c’est Marcel Abraham, qui vient de son ouvrage et qui va nous parler de l’Encyclopédie. Quelque autre jour, c’est la Comtesse de Toulouse-Lautrec, dont les entrées sont « sensationnelles » ; c’est Derain et sa garde, composée de dessinateurs et de modèles ; c’est lady Abdy ou le bon Vergnolle, architecte à tous crins, socialiste D.P.L.G., qui accompagne, avec Emmanuel Arago, disert et souriant, la belle