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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/211

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M. Mdivani. J’aperçus, guidé par ma vue perçante et par son index précis, le baron et la baronne de Wedels-Jarlsberg, M. Joseph Widener, le prince et la princesse Nicolas de Grèce, le marquis Somni-Piccionardi, le prince héritier de Kapurthala, Georges Mandel, le docteur Nicolas Murray Butler, bref, tout un aréopage dont la disparition entraînerait de l’anémie en Europe.

Dans la coulisse, depuis des années, le même personnel veille au maintien des traditions et défend la forteresse : Jimont, l’as des chefs, en tête. N’oublions pas qu’un grand hôtel doit être une grande cuisine. Une cuisine dont on ne parle pas, cela va sans dire, de même que l’on ne risque le mot « crise » qu’avec mille précautions, pour ne pas effaroucher une clientèle qui n’a jamais entendu parler de cette maladie nouvelle, crise qui d’ailleurs va s’atténuant. Le Ritz est tout fier de pouvoir annoncer une amélioration notable de la situation sur l’année dernière. L’officier d’état-major de cet admirable hôtel qui me donne le détail me fait également remarquer que le Ritz s’efforce d’être un hôtel complet, un hôtel qui se suffit à lui-même, qui a ses propres lingères en lingerie fine, ses blanchisseuses d’élite, et un établissement floral spécialement créé pour garnir ses huit jardins et ses dix-huit serres. Enfin, dernier renseignement pour ceux qui perdent inutilement leur temps dans les carrières poétiques : un chef d’étage quelque peu habile peut arriver à se faire 10 000 francs par mois[1].

  1. Ce chapitre a été écrit en 1936…