Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/244

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toutes les chambres du Palace viennent d’être retenues par un détachement de bibliophiles que je n’en serais pas autrement étonné. Quand j’aperçois, la nuit, une fenêtre éclairée très haut quelque part, dans un des nombreux hôtels qui assaisonnent le quartier, j’imagine des étudiants paresseux, des bohèmes attardés sur Paris-Sport ou la Revue de Monte-Carlo. Chez moi, la lueur nocturne, chasuble adorante et immobile, me fait songer à un front studieux, au Philosophe en méditation de Rembrandt, à des hommes qui pensent, écrivent ou lisent sérieusement, et non pas pour se débarrasser de quelque concours.

Les discrets privilèges de la vie d’hôtel

L’hôtel où l’on habite et dans lequel on apporte sa vie totale, oubliant instantanément meubles et concierge, devient assez vite le centre non pas seulement de l’arrondissement où il se trouve, mais de toute la ville. Les appartements n’ont pas ce talent : Ils sont toujours, quel que soit leur confort, quelle que soit leur personnalité, d’un quartier déterminé. L’hôtel asservit les alentours et domine : c’est un Kremlin.

Ainsi le mien. J’y apprécie si vivement l’atmosphère d’un poste de commandement que j’irais volontiers jusqu’à prétendre que le téléphone y fonctionne aussi bien que chez les particuliers… Il semble que l’hôtel soit une centrale de vie créée pour vous mettre en contact avec la vie. Qui s’installe à l’hôtel voit immédiatement se