Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/247

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car tout bon directeur est un peu banquier. Celui-là, qui ne connaissait pas Chopin, car il est frais émoulu du Turkestan, vient d’ouïr « un pianiste hongrois que Le Figaro vante », comme disait Laurent Tailhade. Cet autre trouve un télégramme dans son casier ; quelques mots qui l’obligeront à faire ses valises et à quitter dès la première heure ce port de Saint-Germain-des-Prés où se mélangent les foules intellectuelles et les foules artisanes, ceux qui vont à l’Université et ceux qui vont au marché, les barques isolées, les pêcheurs en eau trouble, les vieux coucous de la flotte hôtelière où l’on sert les clients « avec une seringue », comme on dit dans le métier ; les sardiniers, les goélettes, les sous-marins…

En rentrant dans ma chambre, j’ai l’impression de me glisser dans une cabine. Je cours au hublot. Palace Hôtel file ses vingt nœuds dans la nuit du sixième. Demain matin, nous retrouverons Paris, sa lumière au doux plumage, ses chagrins couvés, ses quinze cents hôtels…