Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/89

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voyez, je reviens d’un thé à l’ambassade d’Allemagne, où j’ai eu l’honneur d’être interrogé par ce sacré Radolinsky de Radolin, et par la comtesse Kessler. Il paraît que l’Europe va mal… etc… »

Inutile d’ajouter que les quais ont, de tout temps, servi d’excuse aux Parisiens que leur petite amie retenait trop longtemps auprès d’elle, et qui rentraient à la maison portant sous le bras quelque Spinoza de belle apparence, quelque Marmontel introuvable, ou quelqu’un de ces tomes de la Comédie Humaine, ceux qui sont recherchés par les meilleurs amateurs de Paris.

J’ai même connu un bouquiniste qui avait en réserve toute une série de Romantiques à l’intention d’un client qui arrivait en courant, payait et s’en retournait au galop chez lui. Quand on voulait lui acheter un Gautier ou un Hugo, à ce brave marchand, il répondait :

— Impossible, c’est pour le comte, qui doit passer à cinq heures et qui est censé fouiller dans mes boîtes depuis trois heures de l’après-midi…