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Page:Fargue - Le Piéton de Paris, 1939.djvu/90

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PLACE DU THÉÂTRE-FRANÇAIS

Ce sont les autobus qui ont transformé la place du Théâtre-Français. Une révolution, un incendie même — et il y en a eu un fameux — n’auraient pas mieux fait. La place du Théâtre-Français, où l’on me conduisait autrefois par la main, comme dans un endroit tranquille, un peu sévère, mais de bonne influence, est aujourd’hui une gare régulatrice. Un alphabet mouvant. C’est le Corbeil du réseau de la Compagnie des Transports en Commun.

On perd un temps précieux à passer du Ministère des Finances chez Molière, et des Grands Magasins du Louvre au marchand de valises qui fait le coin de l’avenue de l’Opéra. Jadis, on pouvait bavarder en pleine rue ; les joueurs d’échecs et les acteurs, les membres du Conseil d’État et les ombres du Palais-Royal ne craignaient aucun coup de trompe, aucun dérapage, aucun rappel à l’ordre des agents. On était libre.

Pourtant, ce quartier n’a rien perdu de son pittoresque, de son air parisien, de ce cachet unique au monde et de ses manières bien françaises. Il n’y a pas une ville en Europe où se puisse concevoir ce mélange de palais et de boutiques, de ministères et de restaurants, de bourgeoisie et de prostitution, de sérieux et de dévergondage qui