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Page:Farley - Jean-Paul, 1929.djvu/75

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L’ABANDON DU CŒUR

En vérité, cette affaire le tracassait. Un vague soupçon montait en son cerveau. Pourtant, ses lettres venaient bien de Montréal : les timbres oblitérés, le sceau du bureau de poste, la date, etc…

Déjà il avait tiré de ses poches cette correspondance qu’il portait toujours sur lui. Il se mit à relire chaque lettre écrite d’une écriture fine et appliquée. C’était presque une enquête, tant il mettait de soin à bien comprendre, à tout scruter, à tout vérifier. Il s’arrêtait par moments, établissant comme un parallèle entre le texte et ses souvenirs de vacances. De fait, il ne reconnaissait guère le caractère de son amie dans les sentiments dont il lisait l’expression un peu maniérée. Il sourit une fois en découvrant une jolie phrase empruntée mot à mot à madame de Sévigné, et qu’il avait vue dans ses Morceaux Choisis. Se peut-il qu’une personne soit si différente quand elle écrit et quand elle parle ? Peut-être. Le souci de se faire admirer pousse parfois à ces erreurs naïves. Il continua ainsi sa lecture, pendant que son esprit passait du doute à la confiance et de la confiance au doute.

Autour de lui, la nature entière rayonnait de sa splendeur d’automne. Le Petit-Bois faisait étinceler sous les feux du soleil la mosaïque de son feuillage. Toutes les couleurs avec toutes les nuances dessinaient des arabesques vertigineuses ; l’or et la pourpre surtout éclataient dans un