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Page:Farley - Jean-Paul, 1929.djvu/76

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JEAN-PAUL

embrasement féerique qui se dressait sur l’horizon comme un incendie d’apparat. De-ci de-là, on voyait des bouquets d’arbres aux feuilles incandescentes agiter leurs flammes sous la brise ; et, dans le lointain, des montagnes de braises rouges scintillaient. Plus proche du lecteur absorbé, un grand hêtre égrenait ses feuilles déjà sèches. Ternes et meurtries, elles tombaient mélancoliquement, semblables à des brisures de rêves, et roulaient sur le gazon chenu. Jean-Paul s’arrêta tout à coup, impressionné par la nature glorieuse qui lançait, avant de s’endormir sous l’hiver, un dernier et triomphal éclat de lumière dans le crépuscule de l’année.

Mais il ne fut pas moins ému des feuilles mortes qui descendaient hésitantes et funèbres comme en quête d’un tombeau. Quelques-unes s’étaient épinglées à son veston gris pâle et le tachaient d’une sombre plaque de rouille ; d’autres, confiantes, étaient venues se blottir sur ses lettres déployées. Cette image extérieure des choses qui passent, qui brillent un instant et disparaissent à jamais, traduisait trop bien ses sentiments intimes pour qu’il n’en remarquât pas la frappante analogie. Car, en lui-même, il sentait une fin de saison, une gelée d’automne. Je ne sais quoi s’était fané et se détachait de son être.

Tranquillement, sans presque s’en rendre compte, il commença à déchirer ses lettres, les abandonnant morceau par morceau à l’onde