Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/134

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minute, puis sourit avec insouciance, et s’y insinua. Ses deux bras étendus posèrent doucement sur les épaules voisines. Mademoiselle de Retz ne se déroba pas et mademoiselle Dax n’osa pas se dérober.

— Du romantisme ! – disait maintenant Fougères d’une voix chantante… – Pourquoi n’en pas faire quelquefois ? Pourquoi n’en pas faire ce soir ? Tout est romantique autour de nous, et nous-mêmes. Souvenez-vous de Musset… À quoi rêvent les jeunes filles ?… Ce soir, je pourrais m’appeler Silvio…

Mademoiselle Dax n’avait point lu les Premières poésies.

— … Combien attendrons-nous d’années, avant qu’un second soir nous réunisse tous trois, – tous quatre, – à regarder, parmi de grandes montagnes, une grande nuit ?

Il pressa légèrement de ses paumes ouvertes les épaules qui lui servaient d’appui. Et il perçut deux frissons.

— Las ! – murmura-t-il. – Si nous étions sages !… En vérité, il y a du miracle dans tout ceci ! Me voilà, moi, Bertrand Fougères, qui, logiquement, devrais ce soir dormir à mille lieues d’ici, dans une capitale barbare ; vous voilà, vous, Carmen, la poétesse née on ne sait où, étrangère partout, voyageuse éternelle… et vous, Alice, jeune fille tellement sage que peut-être n’eussiez-vous jamais cru souper une nuit loin des jupons de votre mère… Oui, nous voilà tous trois, et Gilbert avec nous, évadés miraculeusement de toutes les conventions, de tous les préjugés,