— Je ne suis pas riche, – continua Carmen de Retz, – mais j’ai de quoi ne pas mourir de faim. Et puis je me suis amusée un beau jour à écrire des livres, si bien qu’à présent, je gagne ma vie comme font les hommes. Je vis comme eux, libre. Et je suis très heureuse. Pourquoi, changerais-je ?
Mademoiselle Dax ne trouva point de parce que.
— Sans doute, beaucoup de joies me seront fermées. Le monde que je brave en face me rendra la monnaie de mon dédain, je n’en doute guère ! Mais j’aurai aussi mes plaisirs à moi. Et peut-être beaucoup de femmes cloîtrées dans leur vie régulière et douce m’envieront-elles secrètement ces plaisirs-là, et seront-elles jalouses…
Mademoiselle Dax, confusément inquiète, leva la tête.
— Oui, – insista Carmen de Retz, – jalouses !… Car je serai libre, et je pourrai savourer au grand jour, loyalement, honnêtement, le fruit que le serpent n’offrait à Ève qu’en cachette…
Elle se leva soudain.
— Écoutez !… ce soir même, la pomme passe à portée de ma main… et je vais la cueillir !… Il était très beau, Fougères, tout à l’heure quand il vantait cette volupté merveilleuse qu’il connaît et que je ne connais point… très beau, n’est-ce pas ?… Eh bien ! sa volupté, je la connaîtrai à mon tour !…
Elle était debout sur le seuil, et regardait mademoiselle Dax, avec une sorte de défi :
— Loyalement, – répéta-t-elle. – Sans honte. Tête haute…