Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/199

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débouchait vers la grande terrasse qui domine à pic, de très haut, la voie ferrée et la mer. Il courut à son tour. – Cette folle, dans son dépit enragé, était capable de tout ! – Il galopa… Mais non !… Arrivée la première à la balustrade en surplomb, elle s’arrêtait, elle s’accoudait. Il respira. Et sa frayeur se changea, d’un coup, en tendresse. Il vint près d’elle, tout près, et murmura de sa voix la plus câline :

— Petite Cita…

Elle répliqua, glaciale :

— Oh ! s’il vous plaît ! taisez-vous !…

Et elle-même se tut, la joue sur le poing, les yeux fixes.

Résigné, il s’accouda aussi, à quelques pas plus loin.

Droit au-dessous d’eux, très bas, quatre rails se collaient le long de la falaise. Au delà, une plage étroite luisait comme un ruban de soie. Et après, c’était la mer énorme, indéfinie. On ne la voyait point. Elle n’avait ni forme ni couleur. Elle n’était qu’un abîme obscur, qu’une immensité opaque qu’on devinait liquide et mouvante. Cela s’étalait largement de l’ouest à l’est, entre le promontoire de Monaco, tout scintillant d’un quadruple cordon de lumières, et le cap Martin, dont la silhouette sombre se profilait à peine dans le lointain. Et d’une pointe à l’autre, l’horizon ne se distinguait pas, noyé, perdu dans l’humidité chaude qui montait en buée. Si bien que la mer avait l’air de s’allonger jusqu’aux étoiles.

Il faisait calme plat. Pas un souffle n’effleurait l’eau,