Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/201

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Et le son de sa voix, parmi l’universel recueillement, l’étonna lui-même.

Mademoiselle de Retz considérait fixement l’étoile :

— Les petits-enfants de nos petits-enfants la verront luire pareille durant de pareilles nuits. Elle mourra pourtant, à son tour, comme nous-mêmes…

— Quelque chose, – dit Fougères, – ne mourra pas !

— Ne mourra pas ?…

— Le feu dont elle brille ! car les astres s’éteignent, mais d’autres astres se rallument. Et le ciel, mille et mille fois renouvelé, est ce soir aussi jeune qu’il l’était, il y a cent millions de siècles ! Aujourd’hui, des atomes quelconques se sont rencontrés là-haut, et de leur contact, une flamme est née. Demain, d’autres atomes engendreront la même flamme. Tels deux amants qui s’aiment et qui mourront, laissant en héritage leur amour, intact et immuable, à d’autres amants à venir. Ce soir, vous et moi. Bientôt mon fils et votre fille. – Qu’importe ! Le désir et la volupté restent éternels…

Carmen de Retz ne regardait plus l’étoile bleue. Les yeux de Fougères étaient deux étoiles plus belles et plus attirantes… Une cloche lointaine tinta.

L’amoureuse, alors, d’un effort tremblant, se redressa. Déjà une main reprenait sa main, un bras soutenait sa taille. Elle s’appuya, elle s’abandonna…

Pourtant, elle eut tout à coup un soubresaut, une révolte : Fougères, deux fois vainqueur, lui glissait, dans l’étreinte de leurs doigts, la petite liasse soyeuse des billets de banque.