Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/206

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céderai pas, mais au bout de tout ça, comme je vous disais en commençant, je ne sais vraiment plus ce que je vais devenir.

« Je n’épouserai pas M. Barrier. La chose est sûre, puisque personne ne peut m’obliger à dire « oui » à la mairie, mais mon père refusera son consentement à tout autre mariage… du moins il me l’a dit sur tous les tons… D’ailleurs, je ne connais personne : je ne vais pas dans le monde ; je n’ai ni amies, ni amis : qui voulez-vous qui puisse penser à moi ? Quel homme demandera ma main ? Et s’il me faut rester chez mes parents, subir encore des années, un tas d’années, cette vie qui m’est un supplice ; – s’il me faut coiffer sainte Catherine dans cette lugubre maison où personne ne m’aime, où tout le monde s’ingénie à me faire du mal, – non, non, non ! je ne peux pas ! j’aime mieux n’importe quoi !…

« Et je ne sais même pas ce que ça veut dire, « n’importe quoi » !… On peut se marier et rester vieille fille ! ou encore s’en aller, quitter sa famille, gagner sa vie, donner des leçons… Mais s’en aller où ? Donner des leçons à qui ? C’est effrayant à penser. Et je n’ai personne qui puisse m’aider, me conseiller, me débrouiller !… personne excepté vous ; vous, qui êtes bien loin, qui avez mille affaires, et qui ne pouvez évidemment pas vous occuper de moi…

« Hélas ! je pense qu’il y a des jeunes filles très pauvres, des ouvrières ou des demoiselles de magasin qui travaillent pour vivre et qui n’ont presque pas d’argent à dépenser. Elles doivent m envier quand je les coudoie dans les rues, moi qui suis riche, moi qui porte de jolies toilettes, moi qui ai une grosse dot, – cette dot de quatre cent mille francs qui tentait si fort