Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/249

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ne choque votre oreille ? Et j’ai pour métier d’être astrologue, chiromancien, caricaturiste et bohème. En outre, je me targue d’un peu de philosophie, et m’efforce de suivre les préceptes de notre maître à tous, Noé.

Il salua pour la troisième fois.

— Malgré quoi, – continua-t-il assombri, – ma philosophie ce soir est à rude épreuve. La perte que j’ai faite m’afflige au delà de tout ce que vous pouvez imaginer. Et c’est en vain que, tout à l’heure, j’ai tenté de noyer mon chagrin dans quatre bouteilles d’un bourgogne d’ailleurs frelaté.

Il se tut, lugubre.

— Monsieur, – dit Fougères, – je conçois votre juste douleur, et j’y compatis. Mais le mal est-il sans remède ? Vous avez perdu un billet de théâtre : ce billet ne doit pas être unique, et j’imagine que nous en trouverions de pareils au guichet…

Le caricaturiste-astrologue hocha la tête :

— Monsieur, – dit-il d’un ton funèbre, – je n’ai point d’argent. Ou du moins je n’en ai plus. Car j’en avais !… Mais, en ce siècle de fer, le bourgogne, même frelaté, vaut douze et treize fois son poids de sesterces…

Fougères, à son tour, se découvrit :

— Je salue donc en vous, monsieur, une victime de ce siècle de fer ! À ce titre, me ferez-vous l’honneur d’accepter de ma main un fauteuil d’orchestre, et me permettrez-vous de m’asseoir au théâtre à votre côté ? Je suis aujourd’hui morose et sinistre à souhait ; si