Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/31

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l’éventail, à l’ovalée, en matteaux, pliée en paquets de mille noms et de mille formes, a commencé sa lente migration. Elle a navigué sur les sampans des grandes rivières, elle a transbordé sur les chalands des ports maritimes. Les cargos ventrus, les paquebots à longues jambes l’ont entassée dans leurs cales ; les locomotives l’ont voiturée par grandes wagonnées. Elle s’est reposée dans les docks et dans les hangars ; les camions cahotants l’ont abritée sous le goudron de leurs bâches. – Et la voilà qui dort enfin dans l’entrepôt de la rue Terraille, en attendant d’autres fatigues prochaines, les moulinages, les teintures, les tissages, les confections…

Dax et Cie. – Une porte très haute avec un seuil de pierre usé ; un corridor obscur et traître : quatre marches à descendre, des marches brèche-dents ; une cour triste : le pavé pointu, les murs sales, les fenêtres grillées comme des soupiraux de geôles. Tout sue la misère ; et pourtant, c’est plein de soie là-dedans, – plein de soie, plein d’or ; – les balles, soigneusement emmaillottées de toile bise ou de paille, s’accumulent derrière ces fenêtres à grilles, s’empilent dans ces prisons lugubres, du plancher au plafond. On a logé la soie d’abord, les hommes ensuite ; les hommes n’ont pas besoin de beaucoup de place : ils n’ont guère à remuer, – rien qu’à travailler, immobiles, à travailler tout le jour, tous les jours.

Le bureau, – il n’y en a qu’un, – ressemble à une salle d’école : quatre murs à la chaux, un plancher de bois poussiéreux. Aux murs, une grande carte de