Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/32

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Corée, piquetée de drapeaux japonais et russes : les victoires et les défaites de là-bas se chiffrent pour les soyeux d’ici en millions gagnés ou perdus ; – et une autre carte toute gribouillée de rouge, la carte de l’Italie du Nord : Dax et Cie possèdent en Piémont huit filatures, sans parler des fabriques de cocons, sans parler de la maison de Milan… Dax et Cie sont une des grandes affaires de la place lyonnaise.

Sur le plancher, six tables chargées de paperasses, et six chaises pour les cinq employés et le patron. La table de M. Dax, chef et propriétaire, ne se distingue en rien des cinq autres. Les six plumes grincent pareillement dans le silence, un silence actif, rompu seulement, de quart d’heure en quart d’heure, par des monosyllabes techniques échangés d’une table à l’autre, et, de minute en minute, par l’appel du téléphone.

M. Dax, osseux, anguleux, les cheveux gris, les yeux gris, la barbe grise, interrogea tout à coup :

— Muller ? vous avez vendu vos organsins ?

— Oui, monsieur Dax ; à quarante-cinq.

— Quarante-cinq ! j’ai vu vendre, hier, à quarante-six.

— Il y a baisse, monsieur Dax.

— Il y a toujours baisse quand c’est vous qui vendez !

Il parlait durement, d’une voix qui méprisait et blessait. C’était un patron exceptionnellement désagréable ; par ailleurs, un habile homme, et ses employés, qui le haïssaient, l’admiraient davantage.

La porte de la cour s’ouvrit :