Mademoiselle Dax enjambait, et cherchait les faits divers d’abord, la guerre russo-japonaise ensuite. Elle lut successivement, l’âme très compatissante, les désastres subis par Mme Dupont, (rue du Bât-d’Argent, 74) et par le dompteur Irraouddy, – celle-là tombée sous une charrette, celui-ci amputé d’un avant-bras par son tigre Excelsior. Plus loin, le Salut Public annonçait les victoires, à Kio-Toung et à Siho-Jan, du général Kouroki sur le général Kouropatkine. Consciencieuse, mademoiselle Dax chercha dans son atlas Siho-Jan et Kio-Toung, sans d’ailleurs y rien découvrir d’approchant. Après quoi, bonne Française, elle s’indigna contre les Japonais, plaignit les Russes, et supposa des trahisons.
… Maintenant, c’était la Revue Littéraire. Un seul livre occupait toute la chronique, un roman nouveau qui semblait faire tapage. Mademoiselle Dax ne lisait pas les romans, comme de juste. Mais le titre de celui-ci l’étonna, et davantage encore le nom de l’auteur : Sans savoir pourquoi, par Carmen de Retz… Carmen de Retz ? une dame ?… Quelle pouvait bien être cette personne, capable d’étiqueter ses ouvrages d’aussi baroque façon ?… Mademoiselle Dax parcourut la chronique. Mais il ne s’y trouvait pas grand’chose qui concernât madame ou mademoiselle de Retz. Le critique, dérogeant à tous les usages, avait en effet critiqué le roman et non le romancier. Mademoiselle Dax sut au moins qu’en dépit de son titre déraisonnable, Sans savoir pourquoi n’était pas le premier livre venu. Tant s’en fallait !