Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/78

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et, le dimanche, on ferme à clef les pianos, pour que l’oreille de Christ ne soit pas affligée d’une musique profane. En vérité, je vous le dis, tel est le chalet calviniste, surnommé Brotte par les gens qui ne savent pas. Vous y auriez fait votre salut, madame, et je n’oserai certes pas en dire autant du chalet concurrent, intitulé très équitablement chalet cake-walk. Car là, c’est le royaume de Cupidon et de Bacchus. L’hôtesse est une aguichante jeune femme d’à peine cinquante ans, qui borde chaque soir les lits masculins de son hôtel, et qui pousse la prévenance envers ses pensionnaires jusqu’à des limites inimaginables. Au chalet cake-walk, on ne compte pas moins de huit corridors tous obscurs et de cinq escaliers tous dérobés ; beaucoup de chambres sont à double issue, et chacune communique discrètement avec sa voisine. Madame Kolouri veille maternellement à ce que les dames seules ne soient pas trop isolées, crainte qu’elles n’aient peur la nuit. Et tous les jours des flons-flons jaillissent d’un orgue de Barbarie automobile, lequel condamne sans appel tous les cake-walkois à cake-walker… Ah ! madame ! vous, locataire anonyme du Grand Hôtel international, incolore et inodore, j’ai peur que vous ne sachiez pas savourer voire bonheur !

Madame Dax, légèrement interloquée, sourit tout de même.

— On est pourtant très mal au Grand Hôtel, monsieur. Le service est surtout déplorable…

— Le Grand Hôtel est trop laid, – trancha Carmen de Retz, qui avait rejoint son musicien derrière l’orgue.