Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/90

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pauvre vieille Europe et sur sa civilisation frelatée. Avec ça que vous n’en êtes pas un des produits les plus purs, de cette civilisation honnie !… Avec ça que vous ne raffolez pas de tout ce qu’elle a inventé de pire, des vers décadents, des cocktails, des femmes incomprises et des cheveux coupés en quatre ! Écoutez, écoutez… – elle se leva tout animée, tapotant à deux mains ses beaux bandeaux blancs comme neige :

— Je la plains d’avance, et de tout mon cœur, la femme qui se laissera prendre à vos yeux câlins…

Il éclata de rire, très amusé :

— Il y en a déjà eu, vous savez…

— Ta ta ta !… Ce n’est pas de celles-là que je parle. Et le malheur, c’est que, quand la mienne viendra, – la mienne : la sincère, la naïve, celle qui croira que c’est arrivé, – eh bien vous ! mon petit Fougères, vous la mettrez bêtement dans le sac des autres, et vous l’enterrerez dans la fosse commune…

Il posa brusquement un doigt sur sa bouche, et coupa le sermon d’un chut !… terrifié :

— Jésus Marie ! voulez-vous bien vous taire ; vous allez empêcher mademoiselle Dax de tomber amoureuse de moi !

Mademoiselle Dax, rose foncé, riait de tout son cœur.