Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/92

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bruissement léger de l’eau qui tombe, feutre tous les bruits de la terre, on entend mieux sonner les cloches des couvents…

— Mais c’est triste comme tout, Lyon, les jours de pluie !

— Eh oui ! plus triste que tout ! Mais d’une belle tristesse harmonieuse… Tandis que ça !…

Il haussa les épaules, et, tournant le dos au paysage, tira un livre de sa poche :

— Je deviendrais poète amorphe, à contempler plus longtemps cette Suisse délayée…

Mademoiselle Dax regardait le livre de Fougères – un tout petit livre à tranches rouges, relié d’un cuir souple, de couleur fauve :

— Vous êtes bien sage, aujourd’hui, monsieur Fougères ! C’est votre livre de messe, dites ?

— Hum ! j’ai peur que non, – soupira madame Terrien.

Elle se pencha pour voir le titre :

— Tiens ! les lettres de Lespinasse ? Je ne vous croyais pas si classique que ça, mon petit Bertrand.

Il bougonna :

— Classique !… qu’est-ce que ça veut dire, classique ? Je ne connais que deux écoles littéraires, – la bonne et la mauvaise ; la mauvaise, c’est les gens qui ont écrit pour noircir du papier ; la bonne, c’est les gens qui avaient des choses à dire, – ceux qui ont enfermé de la pensée dans leurs mots, – un maximum de pensées dans un minimum de mots. La nommée Lespinasse est de ceux-ci, je vous le garantis.