Page:Farrere - Mademoiselle Dax.djvu/99

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vérité me contraint à constater le fait. Et d’ailleurs, ne regrettez rien : l’histoire serait moins belle, s’ils n’eussent point, comme je viens de vous l’affirmer, couché ensemble, et si la pauvre Julie, faible parfois pour son propre cœur, ne l’eût pas été, une fois dans sa vie, pour le cœur très noble de son ami…

Mademoiselle Dax arqua ses sourcils :

— Pourquoi ne se sont-ils pas mariés ?

— C’est leur affaire, ça ne nous regarde pas.

— … Alors, c’est à d’Alembert qu’elle écrivait…

— Non, bien sûr ! Ayez patience… Elle n’avait que faire d’écrire à d’Alembert, elle le voyait tous les jours que Dieu faisait, et cela dura jusqu’à la mort. Mais un soir de printemps, l’imprudent d’Alembert lui avait présenté le marquis de Mora ; or, le marquis de Mora était, sans conteste, le plus séduisant gentilhomme de toute l’Espagne. Ils couchèrent ensemble…

— Fougères, voyons !

— Ensemble, madame. Lespinasse et Mora, bien entendu : pas Mora et d’Alembert. Oh ! je ne dis rien de vilain ! Et je tiens même à certifier à mademoiselle Alice, au risque de l’étonner beaucoup, que les amours de M. de Mora et de mademoiselle de Lespinasse furent une chose non seulement très excusable, mais très belle, parce que tous deux y apportèrent une sincérité fougueuse, et une ardeur de dévouement et de sacrifice que bien peu d’amants légitimes ont jamais égalée…

Et te absolvo a peccatis tuis, – psalmodia madame Terrien. – N’oubliez pas, mon petit Bertrand,