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un drôle de voyage

— Le lézard, ça pouvait encore passer. Mais as-tu oublié le jour où nous n’avions à nous mettre sous la dent que chacun trois cigales ? Ah ! dame, cela était sec et peu nutritif !

— Je ne l’oublierai de ma vie, répondit le chauffeur. J’ai fermé les yeux pour avaler les miennes, sans avoir à les goûter, et le pis, c’est que, dès que j’y pense, je crois entendre ces diables de bêtes qui chantaient encore dans mon estomac huit jours après. »

Charlot, qui écoutait avec la plus grande attention, dit timidement :

« Harrisson m’a dit qu’il y avait de tout en Amérique et tant qu’on pouvait en désirer.

— Il y a de tout, c’est vrai, mon garçon, mais ça dépend des jours et des endroits. »

Charlot allait hasarder une nouvelle question, quand Mimile fit un soubresaut. Ses yeux étaient ouverts comme des portes cochères, et il avait l’air terrifié en regardant son fromage.

« Eh bien, garçon, qu’est-ce qui te prend donc ?…

— C’est que, répondit Mimile, qui ne pouvait en croire ses yeux, c’est que ça remue beaucoup dans mon fromage.

— Bah ! dit le chauffeur, faut pas faire attention ; il est un peu fait, notre fromage, voilà tout. À la guerre comme à la guerre. »

Charlot et Mimile avaient cessé de manger en même temps.

« Il me semble que nous dinons sans boire, » dit le patron, que cet incident ne semblait pas avoir frappé.