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Page:Fatio de Duillier - De la cause de la pesanteur.djvu/25

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Si quelqu’un est etonné de l’Usage si Frequent que je fais des Infinis, ou plutôt des Immenses, il n’a qu’à considerer que, pour accommoder toute ma Théorie, à l’Etendue qu’il voudra donner à son Esprit, il ne faut que substituer partout au lieu du mot d’Infini ou d’Immense, celui d’extremement grand. Et les Inconveniens que j’évite entierement, en emploiant l’Infini avec tant de Liberté, diminuerait à son choix, d’autant plus, que les Quantitez qu’il aura prises, seront plus grandes.

Mais qui osera borner la Divinité, et lui prescrire des Vitesses, des Nombres et des Petitesses, au dela des quelles Elle ne puisse point aller ? Ne vaut-il pas mieux concevoir que rien n’est capable de la limiter ; et tâcher de decouvrir, comme à la trace, l’Infinie Simplicité des Principes, sur les quels Elle agit, à et la Sagesse Immense qui regne dans ses Ouvrages ? Et pourquoi craindre de voir des Marques trop palpables de Sa Puissance, de Sa Presence en tous Lieux, et de Sa Superiorité inexprimable par dessus les Etres, qu’Elle à créez.

On peut démontrer qu’il ne sauroit avoir d’autre Cause Mechanique et Universelle de la Pesanteur, que celle que j’indique : à la quelle cause on peut à joindre un ou deux autres qui n’en sont que des Branches assez imparfaites, et qui sont tout deux renfermées dans mes supositions principales. Imaginez le Globe de la Terre, et tous les autres Globes celestes, autour desquels nous savons qu’il y a une Pesanteur, qui arrondit leurs Masses, et qui décroît autour deux Globes, dans la même Proportion que le Quarré de la Distance et leur Centre augmente. Prolongez de Part et d’autre, à l’Infini, quelque Diametre que ce soit, de tels qu’il Vous plaira de ces Globes. La Matiere, qui doit causer la Pesanteur, aura, et la ronde de cette Ligne infinie, des Mouvemens tout à fait semblables. De maniere que cette Ligne infinie pourra passer pour un Axe de ces Mouvemens. Et c’est ce que Mr. Hugens paroit fort bien avoir senti, dans le Traité qu’il à écrit, sur le meme sujet. Or cela n’arrive Universellement que dans le seul Mouvement rectiligne, indifferement en tous sens. Et c’est aussi de ce seul Principe, que j’ai deduit, comme l’on à vû, toute ma Theorie. Mr. Hugens, ajant jugé trop tôt que des Mouvemens rectilignes ne pouvoient jamais determiner la Matiere à tendre vers un Centre, n’a pas pû s’empecher de tomber dans l’Hypothese, qu’il à rendue publique ; et qui étoit la seule, qui lui restoit à suivre. J’espere que le Lecteur n’attendra pas, que j’en fasse à voir, l’Insuffisence et les Défauts ; et combien elle s’éloigne de cette infinie Simplicité qui regne dans la mienne. S’il faut choisir entre l’une et l’autre, il ne me semble pas qu’il y ait le moindre lieu d’hesiter. Mais j’avoue que je ne me tiens point trop assûré que la Pesanteur ne soit un Effet immediat, de la Volonté de Dieu ; et l’une de ces premieres Regles, par les quelles il gouverne l’Univers. Il est vrai qu’on ne peut rien trouver de plus simple, ni de plus aisé, ni d’une moindre Dependence, que ce que j’ai suposé ci dessus. Que les Matieres et les Mouvemens, que je reçois, sont d’ailleurs nécessaires, pour rendre Raison de quelques Phenomenes de la Nature. Que l’extreme Rareté des Corps terrestres