Page:Fauche - Le Mahâbhârata, tome 10, 1870.djvu/112

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« Nous, oiseaux, qui crions kâ-kâ[1], d’où nous vient notre nom, nous marchons comme une race, née des corbeaux ; je m’incline devant toi, cygne, avec les souffles de ma vie ; retire-moi, plongé dans les eaux. 1,932.

» Le malheureux oiseau, qui touchait le vaste océan du bec et des ailes, était tombé tout d’un coup, brisé par une grande fatigue. 1,933.

» L’ayant vu s’affaisser, l’âme consternée, dans les eaux de la mer, le cygne tint ce langage au corbeau, sur le point de mourir : 1,934.

« Je vole de cent et une manières ! » as-tu dit ; rappelles-toi, corbeau ! Tu as parlé, en te glorifiant toi-même. » Toi, qui accomplis cent et un vols, tu es donc supérieur à moi ! Comment alors, rompu ainsi par la fatigue, es-tu tombé au milieu du vaste océan ?» 1,935-1,936.

» Le corbeau sur le point de périr, s’étant vu relevé au-dessus des eaux, remercia le cygne et lui répondit alors en ces termes : 1,937.

« Enorgueilli de restes, qui m’étaient donnés, cygne, je me suis regardé comme un Garouda ; j’ai méprisé un grand nombre de volatiles et d’autres corbeaux. 1,938.

» Je m’incline devant toi, cygne, avec les souffles de ma vie ; place-moi dans ton île. Si je suis heureux dans ma prière, seigneur, conduis-moi dans ta patrie. 1,939.

» Je ne mépriserai plus rien ; sauve-moi de cette infortune. » Tandis qu’il parlait ainsi, le cygne prit avec compassion l’oiseau consterné, hors de lui, gémissant, plongé déjà dans la grande mer, humide d’eau, pénible à

  1. L’onomatopée de kâ-ka veut dire un corbeau.