Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

159
mon ami jean.

à certaines heures, une secrète tristesse l’empoignait ; alors j’essayais de le faire causer ; mais il se renfermait dans ces monosyllabes discrets et polis qui font dérailler toute confidence.

Un jour, il fallut bien tout m’avouer.

La petite rente mensuelle ne suffisait plus pour solder les gros intérêts de l’hypothèque, et la terre de Jean allait être vendue aux enchères publiques.

Que faire en pareille circonstance ?

Jean n’avait pas le sou ; moi, j’étais sans crédit, et ce que les prêteurs d’argent veulent, ce sont de bonnes garanties et de solides endosseurs.

La terre paternelle s’émietta donc sous la main du shérif.

Julie avait été prévenue.

En bonne et courageuse femme qu’elle était, elle accepta cette épreuve avec résignation et, comme Jean lui disait :

— Gagnons les États-Unis ! on dit qu’il y a de l’argent à faire pour quiconque s’y montre honnête et industrieux.

Elle répondit :

— Avec toi Jean, j’irais au bout du monde. Je sais coudre, je me ferai modiste.

— Et toi ? fit-elle, après une pause.

— Moi ! je ferai l’école, je travaillerai à n’importe quoi. Là-bas, je ne suis pas connu ; je ferai de tout ce qui est honnête, pourvu que je te sente auprès de moi.