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à la brunante.

Ce fut encore là une terrible émotion pour moi ; mais bientôt je dus faire comme eux.

J’allais au Mexique où je passai deux ans ; pendant ce temps-là, Jean travailla dur, Julie aussi, et le pain quotidien leur parvenait. Mais c’était tout juste, paraît-il ; car les deux enfants tombèrent malades de la scarlatine. Comme ce malheur était arrivé l’hiver, il fallait d’abord tenir le poêle toujours chaud, puis payer les soins du médecin puis aller acheter les remèdes chez le pharmacien.

Ainsi s’en fût plus d’une journée de salaire, et peut-être n’aurait-on pas songé à se plaindre, car après tout c’était l’épreuve du bon Dieu ; mais les larmes longtemps contenues jaillirent, quand il fallut porter ces chers petits enfants au cimetière, et la peine jointe au travail excessif finirent par faire prendre le lit à la pauvre Julie.

Dès les premiers jours de cette nouvelle angoisse, Jean quitta l’enseignement et s’en alla demander de l’ouvrage à un maître menuisier. Celui-ci lui offrit deux dollars par jour. C’était presque l’aisance ; mais mon pauvre ami n’avait pas l’habitude du rabot, et son bourgeois ne le trouvant pas assez habile le congédia en lui confiant quelques dessins de meubles à exécuter.

Cela le fit vivre pendant quelques mois, et lui permit de soigner Julie, sans quitter la maison.

Un jour pourtant les commandes manquèrent, et alors, comme il n’y avait plus qu’une ressource, Jean songeai à l’hôpital.