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à la brunante

chantés sur tous les tons, et un jour Alice se penchant à l’oreille d’Édouard lui murmura timidement :

— Avez-vous oublié l’aiguille ?

Ces paroles affectueuses portaient en elles une parcelle du baume du samaritain de l’Évangile, car à quelque temps de là, Alice et Édouard agenouillés aux pieds du Christ de l’église du village, se juraient mutuellement de s’aimer toute la vie, ce qui est plus difficile qu’on ne le pense, même pour les âmes patientes.

Le garçon d’honneur remarqua qu’Alice avait prononcé son « oui » d’une voix forte et calme ; et, au grand étonnement des invités, quand, après être rentré chez lui, Édouard présenta à sa femme sa corbeille de noces, la première chose qu’elle en retira fut une aiguille d’or.

— Si jamais il nous prenait fantaisie de rompre ce que Dieu vient de lier, cette aiguille raccommoderait tout, n’est-ce pas Alice ?

— Oh ! oui, Édouard, repartit la voix mutine de sa femme.

C’était la deuxième fois qu’elle disait « oui » depuis le matin.

Ce mariage fut on ne peut plus heureux, et Édouard, qui n’a cessé que depuis quelques années d’être membre du parlement, ne décroche plus son grand sabre de cavalerie que pour mieux faire rire les cinq blondes têtes d’enfants que Dieu lui a envoyées.

De temps à autre il reçoit encore, par l’entremise du jeune Darlington, des nouvelles de ses anciens