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dodo ! l’enfant !

Oui, en quatre mois, petit Charles avait atteint l’âge de grand’maman.

L’enfant de huit ans en était rendu à ses quatre-vingts années, et déjà les jours pour lui ne comptaient plus. L’art avait dit son dernier mot, et il pouvait passer d’une minute à l’autre.

Sous cette enveloppe ridée et décrépite, l’esprit seul conserva toute sa force et sa justesse. Il s’occupait de tout le monde, de ceux qu’il allait quitter, comme de ceux qu’il allait rejoindre, et je pus le constater par moi-même ; un soir que je tirais une chaude courte-pointe sur son lit, il murmura faiblement :

Écoute, Henri, comme il vente dehors ! la neige poudre les vitres, et grand’mère doit avoir bien froid, seule, avec son drap blanc, dans le trou noir où vous l’avez descendue.

Sa pensée s’enfouissait déjà dans la tombe. Il en subissait l’âcre attraction, et le lendemain matin, vers dix heures, montrant la famille en larmes, il disait au prêtre qui l’absolvait :

— Regardez donc, monsieur ; ils sont tous là qui pleurent autour de moi, et moi je me meurs !

On lui fit baiser le chapelet du pape ; puis, tout fut fini, et c’est ainsi qu’il partit.

Que me reste-t-il maintenant de ces joies, de ces sourires, de ces chants, de ces parfums de la vie de famille, de ces douces veillées que charmaient la