passer le long des oreilles avec une rapidité étourdissante. Mon pauvre oncle ne faisait plus un mouvement, et les regardait avec de grands yeux fixes. Heureusement nous touchions aux galets ; nous le transportâmes sans connaissance à la maison, et ce n’est qu’au contact d’un rameau béni qu’il reprit ses sens.
— Ton pauvre oncle, paraît-il, n’avait pas de chances dans ses promenades au large, reprit le capitaine Létourneau.
— J’étais allé, un jour, avec lui, pour relever les filets que nous avions sur les tangons : lorsqu’en fouillant les varechs et les goêmons avec le bout de nos rames, nous y trouvâmes un noyé enlacé. Je voulais le faire embarquer ; mais l’oncle avait peur, et force me fallut de remettre le cap sur terre.
Il n’avait pas compté sur le noyé qui, paraît-il, était du même avis que moi, et qui ne pouvant venir se coucher sur le banc de la chaloupe, s’était mis à la suivre avec une persistance inouïe. En se penchant derrière le gouvernail, on le voyait qui nageait silencieusement dans le sillage.
— Allons, dis-je à l’oncle, un peu de charité pour l’amour de Dieu ; tu vois bien que ce pauvre mort désire être mis en terre sainte. Laissons-le embarquer.
— Embarque-le, me dit-il.
Je le sortis tout ruisselant du fleuve et, en arrivant à terre, nous le déposâmes sous le hangar en espérant