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les blessures de la vie.

L’enfance est un peu Néron dans ses jeux et ses plaisirs tyranniques ; aussi l’impitoyable supplice se répétait-il avec force variations, à chaque sortie de classe, sans pour cela lasser l’incroyable impassibilité de Paul. On aurait dit ce garçon-là en train de considérer la vie comme une de ces chinoiseries que Dieu sans doute jeta sur terre, avant d’y laisser choir la patience.

Ces drôleries, qui amusaient tant les autres, auraient duré longtemps, lorsqu’une après-midi d’hiver, — c’était jour de congé, — cherchant une adresse dans le faubourg Saint-Roch, et ne sachant plus à qui parler pour m’orienter, j’avisai un ouvrier vers le milieu de la rue Fleury, et lui demandai de me renseigner.

— Informez-vous à l’écolier d’en haut ; il doit connaître ce bourgeois-là, me répondit-il, en m’indiquant une petite porte de cour, entr’ouverte, donnant sur un escalier qui grimpait le long d’un balcon enneigé.

Je me laissai conduire par la rampe, et bientôt me trouvai en face de l’entrée d’un galetas.

Après avoir frappé inutilement, j’ouvris.

Paul, agenouillé aux pieds d’un poêle, essayait de réchauffer de son haleine quelques charbons mourants. Près de là, sur une table en bois blanc, gisaient une miche de pain, un morceau de fromage sec et quelques tessons de faïence prenant de faux airs d’assiette : à l’autre extrémité de ce meuble, dormaient ses livres de classe.