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histoire de tous les jours.

assises dans la cuisine causaient des assiduités de Mademoiselle Jeanne.

— A-t-on jamais vu ça, disait l’une, voyez cette pimbêche, comme elle saisit bien l’occasion d’être toujours en haut, sous un prétexte ou sous un autre. La semaine dernière, c’était pour aider la petite à travailler ; aujourd’hui, c’est pour l’aider à mourir.

— Avec ça que le Monsieur n’est pas trop laid, répondit l’autre ; m’est avis qu’il y a quelque chose de louche dans tout cela ; il est temps de descendre la demoiselle dans l’esprit du quartier : sa conduite devient compromettante pour la maison.

Sous ce coup inattendu frappé sur la fille dévouée qui remplaçait sa mère, Paul resta atterré. Lentement il remonta la potion attendue, la remit entre les mains de Mademoiselle Jeanne, et se dirigea vers le département avec la détermination de demander un congé de quelque temps à l’Honorable M. Bour. Cela lui permettrait de se consacrer tout entier aux soins que réclamait l’état de Noémie, et d’éloigner le nuage qui planait sur la tête de la vieille fille, sans qu’elle eût le moindre doute de ce qui s’était passé.

L’Honorable M. Bour était parti de la veille pour assister à un dîner officiel donné à Montréal, en l’honneur d’un honnête banquier de Londres, célèbre, un mois plus tard, par une fantastique banqueroute.

Paul fut reçu par un sous-chef ; celui-ci n’osa prendre sur lui de faire usage d’un privilège que le ministre s’était réservé personnellement.