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à la brunante.

Mon pic en main, je fais la carte :
Le gazon vert sert de tapis.
Je mêle, et personne n’écarte :
Mes beaux joueurs sont endormis !
     Et puisque la besogne est faite,
     Vite ! buvons un petit coup !
     Cela vous met le rire en tête,
     J’ai soif, et j’ai creusé mon trou !

III.

Le soir venu, je siffle et j’erre,
Souriant à mes croix de bois :
Seul avec mon vieux cimetière
J’ai l’air ainsi d’un bon bourgeois.
Je baie aux cieux, puis je fredonne
Entre mes dents un air ancien :
À mes pieds, l’insecte bourdonne,
L’herbe épaissit et monte bien.
     Et puisque la besogne est faite,
     Vite ! buvons un petit coup !
     Cela vous met le rire en tête,
     J’ai soif, et j’ai creusé mon trou !

IV.

Un jour pourtant, notre camarde
Me couchera dans le sainfoin.
Là, près du mur qui se lézarde…
Mais, je ne vais pas dans ce coin !
La mort est triste et je l’abhorre !
J’ai peur de dormir là-dedans …
C’est pour cela que dès l’aurore
Je creuse et bois, tuant le temps.
     Ma gorge est une large fosse
     Où la mort glisse à petits pas.
     Un fossoyeur chante et se gausse
     Jusqu’à l’heure de son trépas.