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le père michel.

Le soleil était chaud ; on approchait de la canicule ; de grosses gouttes de sueur perlaient sur le front ridé de mon compagnon qui, de temps à autre agitait sa ligne, comme pour agacer le poisson ; mais carpes, brochets et dorés nageaient fraîchement en eau profonde par un temps pareil, et le fil trompeur ne rendait à la main rugueuse aucune de ces secousses rapides et voraces qui lui faisaient autant de plaisir que sa gourde d’eau-de-vie.

Seul un petit achigan vert gisait sur le tuf, les ouïes sèches et la bouche démesurément ouverte, comme pour demander une goutte d’eau réconfortante.

Lassé de son immobilité, le père Michel me demanda alors pour la quinzième fois :

— Petit, quoi de nouveau ?

— Mais rien, père Michel, si ce n’est que j’ai trouvé des balles hier sur les crans de la Rivière au Seigneur.

— Ces trouvailles deviennent curieuses, Henri : la semaine dernière, c’était un biscayen ; le mois passé, une bayonnette ; aujourd’hui, des balles. M’est avis qu’il y a une soixantaine d’années, les Anglais ont faire une descente ici dans l’anse et qu’ils ont été chaudement reçus par les miliciens. Mais les pauvres gens finirent par avoir le dessous, et j’ai entendu raconter à mon grand’père que, pour s’en venger, l’ennemi brûla une grande partie de la paroisse. Ce qui n’a pas empêché le contingent de