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LES ÎLES DANS

au phare. Elle n’est pas très longue, un mille tout au plus, mais ce jour-là, elle nous parut interminable. Nous étions accompagnés par un énorme terre-neuve qui nous montrait des dents à rendre jaloux n’importe qui, par leur blancheur, et à faire trembler n’importe quel mollet, par leur longueur. Ce terrible échantillon de la race canine était appuyé par un petit taureau noir à l’encolure puissante. L’œil en feu, les naseaux frémissants de colère, ce dernier faisait de droite et de gauche des charges à fond de train sur les envahisseurs de son île. Heureusement que Gagnier était très bien avec le terre-neuve. Pendant qu’il le cajolait et l’amadouait de son mieux, nous nous débarrassions de notre second assaillant, en faisant pleuvoir un déluge de pierres et de bois flotté sur cet animal farouche et dégénéré, dont les paisibles ancêtres s’étaient jadis illustrés au service des rois fainéants.

Une réception cordiale nous attendait à la tour, et un excellent dîner y avait été servi par les soins de madame Gagnier. Pendant que nous lui faisions honneur, les questions et les réponses pleuvaient des quatre coins de la table. L’un, apprenait avec surprise la mort du fondateur de la confédération canadienne, de Sir George Cartier ; l’autre, interpellé sur les affaires de France, annonçait la présidence du maréchal de MacMahon. Chacun vidait le dessus de son panier en échange des nouvelles locales, et ce fut ainsi que nous apprîmes la fin terrible d’un des enfants de la famille Bradley. En jouant, il s’était perdu dans les bois. De longues et de fréquentes battues furent organisées. Tout fut inutile : et les parents s’étaient déjà résignés, lorsqu’ils virent leur pauvre cœur