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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

de nos marins canadiens-français que sous le nom de Brillante, pendant que les cartes anglaises la désignent sous le nom de Bryon Island, et que la géographie élémentaire à l’usage des élèves des frères de la doctrine chrétienne, au Canada, l’appelle poétiquement l’île de Byron. En y débarquant, Cartier et ses compagnons furent si émerveillés par sa prodigieuse fertilité, que le capitaine malouin crut devoir rappeler dans le « Discours de son voyage » le souvenir de ce qu’il y vit ce jour-là.

— « Ces îles sont de meilleure terre que nous eussions oncques vues, en sorte qu’un champ d’icelle vaut plus que toute la terre Neuve. Nous la trouvâmes pleine de grands arbres, de prairies, de campagnes pleines de froment sauvage et de pois qui étaient fleuris aussi épais et beaux comme l’on eût pu voir en Bretagne, et qui semblaient avoir été semés par des Laboureurs. L’on y voyait aussi grande quantité de raisins ayant la fleur blanche dessus, des fraises, roses incarnates, persil et autres herbes de bonne et forte odeur. »

Hélas ! depuis le jour où Cartier mit le pied dans ce lieu enchanteur, Brion a perdu ses airs de paradis terrestre. Ses grands arbres sont disparus les uns après les autres. Ses vignes se sont desséchées ; et ses roses incarnates sont mortes, étouffées sous les âpres baisers de la bise du Nord. Seule, la terre de l’île a su conserver sa fécondité ; ses prairies sont restées fameuses dans tout le golfe Saint-Laurent. Elles fournissent à l’élevage une nourriture saine, qui peut soutenir la comparaison avec les meilleurs gazons anglais. Aussi le bétail qu’on y fait paître est-il superbe, et les moutons de Brion