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LES ÎLES DANS

Ce fut en riant aux éclats du récit de cet engagement corps à corps, que nous montâmes à l’escalade.

Agénor Gravel battait la marche. Nous grimpions à sa suite : j’étais le serre-file. Déjà une partie de l’ascension se terminait : nous avions derrière nous cinquante pieds d’abîme, et la première échelle était dépassée. Il fallait maintenant se rendre à la seconde, séparée de nous par une corniche longue de cinq pas, large de dix-huit pouces, et courant sur une pente inclinée[1].

Agénor l’a bien passé,
AgénoTire lire,

fredonnai-je gaiement, sur l’air des Canards ; et fermement, je posai le pied sur l’étroite lisière. En ce moment, un caillou roule sous mon talon ferré. La terre et le tuf s’égrènent sous moi. Je les sens qui cèdent, et les entends qui tombent à pic dans l’abîme. Mais avec un sabot de mule on passe partout, me dis-je ; et m’aidant unguibus et rostro, les reins souples comme une lame d’acier, j’appuie légèrement sur le sol qui cherche à se dérober, et saute sur le dernier barreau de la seconde échelle. Celle-ci avait une longueur de quarante pieds. Tout en nage, les yeux fixés sur le sommet qui surplombe, les mains fermement posées sur les barres, je gravissais lentement l’espace, pendant que je traînais

  1. Une petite plate-forme, entourée d’une balustrade en fer, sépare maintenant le point d’intersection des échelles, et rend l’ascension plus commode.