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LES ÎLES DANS

— Mon père a fui l’Irlande pour ne plus entendre parler du vieux régime emphytéotique. Ce ne sera pas son fils qui remettra un pareil gouffre sur le chemin de ses petits enfants. Ces vexations ont eu pour résultat d’établir un fort courant migrateur entre le Labrador et l’archipel. Plus de trois cents chefs de famille ont quitté les îles et sont allés fonder à Kékaska, à Natashqouan, à la Pointe-aux-Esquimaux, d’importants groupes de la race française. Ces départs ont affaibli d’autant la population des îles de la Madeleine. Tous les ans, grand nombre de compatriotes viennent à leur tour rejoindre ceux qui sont partis ; et déjà l’on prévoit dans un avenir assez rapproché la désertion complète de l’archipel. Pour remédier à ce triste état de choses, il n’y a qu’un moyen à prendre. Tous ceux qui ont été consultés par la commission parlementaire sont unanimes à le suggérer. Le gouvernement de Québec doit acheter les droits du propriétaire, et l’un des colons les plus respectés de l’archipel, M. Painchaud, n’hésite pas à affirmer que sous ce nouveau régime, un huitième des habitants paierait de suite, et affranchirait aussitôt les terres de toutes redevances seigneuriales.

Mais cette longue digression, nécessaire pour bien faire comprendre la position anormale de ces insulaires, me fait oublier les quelques heures charmantes que nous devions passer au petit village acadien de l’Anse-à-la-Cabane. Le premier compatriote qui nous y accueillit à bras ouverts, fut un brave charpentier du nom de Migneault. Dans sa joie, il voulut nous faire connaître de suite le patriarche de l’endroit, et