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LES ÎLES DANS

son esprit ferme et lucide, ses bonnes manières, lui conciliaient le respect et la confiance de tout le monde. Ici, les décisions du père Vigneault étaient respectées à l’égal de celles que donnent ailleurs le juge ou le curé.

Ce fut dans son hospitalière maison que mon oreille fut frappée pour la première fois par l’intonation que les Acadiens donnent à la langue française. Un étranger qui se mêlerait à leur conversation, se croirait transporté en Gascogne, et se figurerait entendre causer des Bordelais. Ainsi, ces braves gens diront une foâ pour une fois. Le mot année se prononcera chez eux ânée, tout comme sur les bords de la Garonne. Un cheval devient un gueval au pluriel, et un chevau au singulier ; puis, ils font un assez grand abus des « j’étions  », des « je pourrions  » et des « je pensions »[1]. Leurs mœurs sont simples et douces. Ils vivent surtout de

  1. Dans une notice sur le patois saintongais que vient de publier la « Revue des langues Romanes de Montpellier, je trouve ce curieux passage :

    « Les noms qui, en français, se terminent en al, font au en saintongais, pour ces deux nombres : le chevau, l’animau, in jôrnau : (Ancien français ; li chevaus (sujet du verbe) ; le cheval (régime) pluriel li cheval (sujet), les chevaux (régime).

    « Quelques paysans de la Saintonge pour faire les muscadins disent aussi, dés cheval, dés journal.

    « On connaît la leçon de beau langage donnée par un paysan à son fils qui revient de la ville — Qu’as-tu vut de jolit, drôle ? — P’pa j’ai vut dés chevau superbes. — Dis donc cheval, animau. »

    Grand’nombre de Canadiens et d’Acadiens tirent leur origine du pays d’Annis et de la Saintonge, cette terre aimée, qui a vu naitre Samuel de Champlain.