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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

dément les provisions destinées au phare de l’Entrée. Au soleil levant, nous étions déjà embossés par le travers de cette île, dont les pics escarpés ont cette couleur rougeâtre particulière au groupe de la Madeleine ; et bientôt, les uns étaient à même de fouler ces gazons plantureux, où ruminait une magnifique race de moutons, pendant que ceux qui étaient restés à bord, s’amusaient à contempler le paysage. Sur notre avant se dessinait le petit village d’Amherst, groupé autour de son église. À tribord, on apercevait le Hâvre-aux-Maisons ; et tout autour de nous croisait une flotte de quatre cents goëlettes, qui couraient le maquereau, toutes voiles dehors. Certes, Gudin n’aurait pu demander une marine plus pittoresque, pour la fixer sur une de ses toiles immortelles.

De l’île d’Entrée nous devions nous rendre à l’île de la Pierre Meulière[1] Nous profitâmes de ce point d’arrêt pour nous faire débarquer au petit quai de la maison Leslie, qui tient là un magasin d’approvisionnement assez considérable. La foule encombrait ce comptoir, et rien d’amusant comme d’entendre ses colloques avec les commis de M. Leslie. C’était à qui se montrerait le plus normand en affaires. Les femmes braillaient surtout dans cette lutte pacifique. Tout en suivant de près leurs petites transactions, elles ne perdaient pas une maille du tricot qu’elles traînent ici, partout où elles vont. Modestes, intelligentes, pieuses, dévouées, les Acadiennes sont vraiment dignes du nom de femmes. Elles n’appartiennent guère à cette catégorie du sexe qui faisait dire à Buchamore — un

  1. Les Anglais la nomment Grindstone Island.