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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

la mer, et faites un brin de conduite à la chaloupe de ces messieurs. Peut-être, avant que l’ancre du Napoléon ne soit levée, auront-ils le temps de trouver dans leurs cabines quelques vieux journaux de par chez nous. Ici, les morceaux en sont bons à lire.

Et ce fut ainsi que par un beau clair de lune, sur une mer splendide, nous quittâmes Ferdinand Fafard de la Pointe de Mons, enchantés de notre nouvelle connaissance, et joyeux d’avoir causé avec lui et de lui avoir donné une bonne minute de distraction. Nos rameurs glissaient gaiement sur le flot, qui s’ouvrait pour nous laisser passer. Au loin, on entendait les ronflements d’une baleine qui venait respirer à la surface : sur nos têtes une aurore boréale s’amusait à couler des tuyaux d’orgue pour les refondre ensuite, et de la terre le grand cyclope de pierre nous regardait aller et disparaître. Agénor en ce moment eut une inspiration. Sa mémoire était implacable, et il se mit à déclamer aux matelots ébahis le commencement du beau travail de Paul Parfait sur le phare.

— « À l’heure où le soir tombe, invariablement il s’allume ; peu à peu l’ombre enveloppe sa tour blanche et l’on ne voit plus surgir au loin qu’un point brillant, étoile factice posée par la main de l’homme au bord des flots. Que la nuit soit claire ou sombre, calme ou tumultueuse, l’étoile luit toujours de son éclat doux, paisible, immuable, pour ne s’éteindre qu’avec le retour de l’aube. Qui pourrait considérer sans émotion cette lueur perdue dans l’espace, en songeant que c’est elle qui, à travers les brumes, sous la pluie qui fouette et le vent qui fait rage, trace au navigateur sa route, lui marque les écueils à éviter ou la passe à gagner ?