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LES ÎLES DANS

« Par les nuits étoilées, le phare trace sur la mer un sillon lumineux, et par les nuits noires, il montre encore à travers l’ombre son grand œil vigilant. Qui ne croirait alors volontiers que le phare est vivant ? Qui ne s’adresserait à lui comme à un être capable de comprendre ? »

D’une oreille distraite j’écoutais. Ma pensée était ailleurs ; et la déclamation d’Agénor avait réveillé en moi d’autres idées.

Je songeais à la vie humble, pleine d’abnégation et de dévouement, que menaient les modestes gardiens de ces phares.

— À chacun sa fonction dans le grand rouage humanitaire. Ceux-ci, me disais-je, doivent être premiers ministres, généraux ou millionnaires : ceux-là seront pauvres, méconnus, mais dévoués S’il en faut des premiers pour guider les états, perfectionner les engins de mort et acheter tout ce qui s’achète sur terre, il en faut aussi des seconds pour accomplir une mission de paix, aider et réconforter ceux qui souffrent et qui sont en péril.

Mais comme même ici-bas, tout se compense, ce n’est pas sur les lèvres de ces déshérités que vient errer le soupir que laissait échapper le cardinal d’Amboise mourant, lorsque se retournant vers son infirmier, il lui disait :

— Ah ! frère Jean !… que ne suis-je toujours resté frère Jean !


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