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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

loup-marin. Pour se rendre là, il fallait d’abord faire quarante lieues de grève avant d’atteindre la pointe nord-ouest de l’île, puis comme Le dit le P. Crespel, « descendre un peu et traverser douze lieues de haute mer. » On agita l’idée de se diviser en deux groupes. L’un devait rester à la rivière au Pavillon : l’autre irait à Mingan chercher du secours. Lorsque cette proposition fut soumise au conseil, chacun la trouva inattaquable. La grande difficulté consistait à désigner ceux qui seraient du premier groupe, et ceux qui feraient partie du second. C’était à qui ne resterait pas en arrière.

Dans cette pénible alternative, le P. Crespel eut recours à Dieu. Le 26 novembre, il dit la messe du Saint-Esprit : et dès que le saint sacrifice eût été terminé, vingt-quatre hommes se levèrent, et prirent la résolution de se résigner à la volonté divine, assurant qu’ils hiverneraient coûte que coûte à la rivière au Pavillon.

Cet acte d’abnégation tranchait le nœud gordien. Toute cette nuit-là fut employée à entendre des confessions ; et le lendemain, après avoir laissé des provisions à ces braves gens, et leur avoir juré sur les saints Évangiles qu’ils reviendraient les reprendre aussitôt que possible, le capitaine de Freneuse, le P. Crespel, M. de Senneville, suivis de trente-huit personnes, prirent le chemin de l’inconnu. La misère et le danger avaient nivelé la position de ces hommes. Avant de se quitter officiers et matelots s’embrassèrent en pleurant. Hélas ! bien peu devaient se revoir.

En partant, M. de Freneuse subdivisa ses gens en deux sections. Treize d’entre eux manœuvraient le petit canot : vingt-sept s’embarquèrent dans la chaloupe. Jusqu’au 2 décembre,