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FAI
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phragme ou à l’action des sucs gastriques sur les parois qui les contiennent.

Ce sont des hypothèses ; rien n’a encore permis de conclure des lésions multiples que revêtent les êtres qui meurent de faim, ou plutôt d’inanition.

Généralement, la faim se manifeste chez l’individu lorsque la perte de poids du corps atteint 500 à 600 gr. environ, poids dans lequel il ne faut pas comprendre l’urine et les excréments expulsés par les voies naturelles.

Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, la faim n’est pas localisée au seul organe : l’estomac ; c’est une sensation générale. C’est ainsi que certains poisons du système nerveux (opium, nicotine, liqueurs) peuvent la diminuer, de même que les infections ou les fièvres la supprimer.

Dans certains cas de diabète, par exemple, la faim peut devenir tout au contraire exagérée (boulimie).

Deux ou trois fois en vingt-quatre heures, la faim se fait sentir chez l’adulte en bonne santé ; chez les enfants, les adolescents et les convalescents, elle peut se montrer plus souvent ; chez les vieillards et les individus sédentaires et surmenés, beaucoup moins.

Certains animaux qui absorbent des aliments peu réparateurs, tels les lapins, mangent constamment.

Si, par l’absorption de matières alimentaires, on peut calmer la faim, il ne faut pas en conclure que le résultat cherché est obtenu, car on ne fournit pas toujours aux tissus les aliments nutritifs nécessaires à leur entretien et à leur réparation.

L’appareil digestif des jeunes enfants, si délicat parfois, ne peut pas toujours incorporer les aliments que nous leur donnons ; le résultat que nous désirons n’est donc pas atteint ; de même que les individus qui souffrent de faim chronique, tout en absorbant tout ce qu’ils trouvent, finissent cependant par mourir quand même.

Ces phénomènes, dits fréquemment d’inanition, se déroulent plus ou moins rapidement. Lorsque la faim est poussée à l’extrême, elle amène parfois la mort ; prolongée longuement, elle ralentit la respiration, la circulation, et occasionne des dérangements parfois très graves des facultés intellectuelles.

Quant aux perversions de la faim, bien distinctes des perversions de l’appétit, elles rendent les sensations douloureuses, déterminent un trouble cérébral profond qu’on dénomme faim angoissante ou phobique.

Sous le nom de faim canine on désigne les diverses altérations maladives de la faim : polyphagie, boulimie, cynorexie, anorexie, dysorexie, qui, le plus souvent, sont liées à des affections nerveuses des organes digestifs.

On n’arrête pas le murmure
Du peuple quand il dit : j’ai faim.
Car c’est le cri de la nature :
     Il faut du pain !

P. Dupont.

Au sens figuré, le mot faim désigne ordinairement un désir ardent, une ambition, une ardeur de jouir de quelque chose ou de posséder cette chose.

C’est ainsi qu’on peut avoir faim de gloire, de richesses ou d’honneurs.

La faim, roman du grand écrivain norvégien Knut Hamsun, qui est un chef-d’œuvre.

Knut Hamsun y a dépeint les souffrances physiologiques d’un être en proie aux affres de la faim.

L’analyse y est donnée avec toute la pénétration, toute l’acuité qui font l’originalité même de l’œuvre entière de Knut Hamsun.

« Et maintenant, j’avais faim, je sentais mes boyaux se tordre comme des serpents ; et, je le prévoyais, il n’était pas écrit que je dusse manger ce jour-là. »

Cette étude faite sur soi-même, en quelque sorte, car comme « le héros » de son livre, Knut Hamsun a connu les souffrances psychologiques et physiologiques de la faim, est extraordinairement aiguë et intense et rappelle par plus d’un point une autre grande figure littéraire : Dostoïevski. ̶ Hem Day.

FAIM (Grève de la). — Action qui consiste à refuser de prendre toute nourriture. La grève de la faim est l’ultime moyen de protestation employé généralement par les prisonniers d’État pour mettre fin à un cas d’arbitraire dont ils sont victimes ou pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur un objet digne d’intérêt.

C’est surtout avant la guerre, dans les prisons russes, et plus particulièrement aux heures tragiques qui succédèrent à la révolution de 1905 que les révolutionnaires détenus dans les geôles tsaristes employèrent ce moyen pour attirer l’attention du monde civilisé sur la cruauté du régime pénitentiaire qui leur était infligé. Depuis, tous les pays ont eu leurs grévistes de la faim, car tous les pays traversent, à certaines époques, des périodes de réaction durant lesquelles les prisonniers politiques ont de nombreuses raisons de protester.

Un cas de grève de la faim qui mérite d’être particulièrement signalé, est celui du maire de Cork, Mac Swiney, qui se laissa mourir de faim pour protester contre la tyrannie britannique qui s’exerçait en Irlande et contre l’emprisonnement et l’exécution de milliers d’Irlandais.

Le sacrifice de cet homme courageux et généreux, les pétitions signées en sa faveur par des milliers et des milliers d’individus appartenant il toutes les classes sociales, la réprobation unanime de tout le monde civilisé contre le despotisme exercé en Irlande par l’Angleterre n’apitoyèrent pas les dirigeants de la perfide Albion, qui laissèrent s’éteindre, après deux mois de souffrances, ce héros de la cause irlandaise. Le sacrifice du maire de Cork ne fut pas inutile. Si le peuple irlandais n’a pas encore conquis son entière liberté, son régime s’est cependant amélioré, et c’est, dans une certaine mesure, au sacrifice d’individualités comme celles de Mac Swiney qu’il le doit.

En France, pays démocratique par excellence, la grève de la faim fut employée à plusieurs reprise ; pour faire respecter des droits acquis par les usages et les coutumes. C’est à cette action que les « détenus politiques » doivent le bénéfice d’un régime spécial ̶ plus supportable que celui du droit commun ̶ qui fut supprimé durant la guerre et rétabli à la suite de la grève de la faim faite par un petit nombre d’anarchistes détenus à la prison de la Santé.

Bien que la grève de la faim n’ait que rarement une issue fatale pour celui qui la fait, elle nécessite un véritable courage et une réelle volonté. Les affres de la faim sont terribles, surtout lorsque, sans obligation, on se refuse à toute nourriture. D’autre part, ce n’est pas sans déclencher une révolution dans l’organisme que l’on reste plusieurs jours sans manger et ceux qui se livrèrent à cette protestation restèrent parfois toute leur vie sans pouvoir définitivement se rétablir.

Conséquemment, la grève de la faim ne doit être faite que lorsqu’il n’y a aucun autre moyen d’aboutir à un résultat ; mais celui qui la commence doit bien réfléchir auparavant, et sans fléchir aller jusqu’au bout de sa protestation.

N’est-il pas terrible de songer qu’au vingtième siècle des hommes soient contraints de se mutiler pour obtenir ce qui leur est dû légalement, et cela dans la France républicaine ? Eh non, il ne faut pas s’en étonné, quelle que soit la forme de gouvernement qui dirige