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sie, aboulie ou manque de volonté, paralysie, etc. Enfin le spiritisme lui-même ne serait, d’après Pierre Janet, qu’un des effets de la désagrégation mentale du médium.

C’est ainsi que, fondé d’abord sur une conception erronée, le magnétisme animal, par les recherches nombreuses qu’il a nécessitées dans la pathologie mentale, a grandement contribué à nous faire comprendre la complexité et la fragilité du moi et le déterminisme rigoureux de toute pensée. ‒ Ixigrec.

MAGNÉTISME (animal). Le magnétisme curatif fut connu dès la plus haute antiquité, et maints guérisseurs lui durent, au moyen-âge, d’être brûlés comme sorciers. Paracelse, Van Helmont, etc., avaient ouvert la voie où s’engagea Mesmer (1734-1815). Ce dernier admettait l’existence, chez l’homme, d’un fluide dont l’action était particulièrement puissante sur le système nerveux. On parla bientôt des cures merveilleuses, obtenues grâce aux méthodes qu’il préconisait ; le baquet mesmérien fit, tout ensemble, bien des enthousiastes et bien des incrédules. Mesmer resta sept ans à Paris ; fut l’objet d’un engouement énorme, puis dut s’éloigner, accusé de charlatanisme par les commissions scientifiques chargées d’examiner son système. C’est à Vienne et Munich qu’il s’était d’abord fait connaître ; et les déboires éprouvés en France ne l’empêchèrent pas de recruter des adeptes dans tous les pays d’Europe.

Avec Puységur, Deleuze, du Potet, l’abbé Faria, etc. le magnétisme perdra, peu à peu, ses allures mystérieuses pour devenir un objet de recherches rationnelles et positives. Braid (1795-1860), l’inventeur de l’hypnose, se bornera, quoi qu’il en pense, à produire par une autre méthode, des phénomènes que les vieux magnétiseurs connaissaient déjà. Durand de Gros, Durville, de Rochas, tout près de nous, furent de vrais savants, malgré les théories fort contestables qu’ils donnèrent pour expliquer des faits certains. Deux fois, en 1825 et 1837, l’Académie de médecine condamna le magnétisme ; mais, contradiction trop explicable lorsqu’on connaît les savants consacrés par l’État, elle admit l’hypnose, qui n’est que le magnétisme affublé d’un autre nom, et reçut parmi ses membres Charcot, (1825-1893) célèbre pour ses études sur l’hystérie et la suggestion.

Une querelle survenue entre l’école de Paris, dont le chef était Charcot, et l’école de Nancy, représentée surtout par les docteurs Bernheim, Beaunis, Liébault, mit l’hypnose à la mode, dans le monde des psychologues et des médecins. La première distinguait trois phases successives dans la grande hypnose : la catalepsie, la léthargie, le somnambulisme. Un bruit intense et inattendu, la fixation d’un objet brillant suffisent à produire la catalepsie. Dans cet état les muscles, restés très souples, conservent toutes les positions qu’on leur donne, même les plus incommodes. Gestes et physionomie s’harmonisent, d’ailleurs, automatiquement : lorsqu’on donne au visage une expression de colère, les membres prennent une attitude correspondante, et les mains se joignent, le recueillement s’imprime sur la face, quand on oblige le sujet à se mettre à genoux. Dans l’état léthargique, obtenu par la simple occlusion des paupières, intelligence, mémoire, conscience, tout paraît aboli. Mais la surexcitation du système néuromusculaire est au paroxysme ; le plus léger frôlement détermine la contraction des muscles sous-jacents à la peau, même de ceux qui sont soustraits à l’empire de la volonté. Dans l’état somnambulique, troisième phase de l’hypnose, le sujet voit décupler sa force musculaire et l’acuité de ses sens, de la vue surtout et de l’ouïe. La suggestion favorisée par ce sommeil mor-

bide, mais non constituée par lui, exerce alors une influence particulièrement efficace.

Au dire de l’école de Nancy, ces trois phases successives ne se rencontreraient que chez des individus savamment formés, et la suggestion suffirait à les expliquer. Si l’hypnose favorise la suggestibilité, elle est elle-même un effet de la suggestion. Alors que Charcot avait surtout mis en lumière les rapports de l’hystérie avec le somnambulisme, naturel ou provoqué, Bernheim a montré que la suggestion rend compte de presque tous les phénomènes hypnotiques. Elle fait comprendre pourquoi les anciens magnétiseurs ont cru à l’existence d’un fluide mystérieux et pourquoi des somnambules s’imaginèrent le percevoir. Elle fournit encore la clef de l’énigme, lorsqu’il s’agit de l’action des métaux ou des aimants sur les sujets hypnotisés. « Ce sont toujours, écrivait déjà Bertrand en 1823, les idées des magnétiseurs qui ont de l’influence sur les sensations des somnambules… les métaux, lorsque les magnétiseurs le veulent, ne doivent avoir aucun empire sur les personnes magnétisées, c’est l’idée qui les rend nuisibles. » Et pour prouver qu’il ne peut être question de fluide, mais seulement de « force d’imagination », le Dr  Ordinaire, rappelait en 1850 qu’il avait obtenu « sans magnétisation préalable, l’insensibilité… la paralysie, l’ivresse, le délire, et cela sans avoir besoin d’endormir le sujet, simplement en disant « je veux ». »

On peut admettre que l’hypnose est de la même famille que le somnambulisme ; il y a entre eux la différence de l’art et de la nature : le premier est artificiel et le second spontané. Mouvements brusques et silencieux, gestes automatiques, bras pendants tête fixe, yeux généralement ouverts, paupières immobiles, voilà ce qui frappe chez le somnambule. Au mental, il se concentre sur un seul objet, il est en état de nono-idéisme. Ses sens sont fermés à toutes les impressions étrangères à son rêve, mais pour celles qui le concernent, ils peuvent atteindre un degré d’hyperesthésie extraordinaire. De plus le somnambule dont la mémoire est surexcitée parfois durant les crises ne conserve, réveillé, aucun souvenir de ce qu’il a pu faire ou dire pendant l’accès. D’où son étonnement lorsqu’on le réveille avec brusquerie, et son impossibilité d’expliquer la situation où il se trouve. Ces remarques sont applicables à l’hypnose. Des procédés nombreux permettent de la provoquer, chez les personnes prédisposées à ce genre de phénomènes. Les enfants sont d’ordinaire aisément hypnotisables ; de même les sujets atteints de certaines maladies nerveuses. Quelques individus sont rebelles ; quelques autres ont l’étoffe de parfaits somnambules. On connaît le système de passes employé par les magnétiseurs d’autrefois il est presque abandonné aujourd’hui. Regarder fixement le sujet fut longtemps à la mode ; mais il suffit que ce dernier concentre ses regards sur un objet brillant, un miroir à alouettes ou un bouchon de carafe par exemple. On peut aussi commander le sommeil en phrases impératives et frotter doucement les globes oculaires. En réalité c’est la monotonie d’une sensation ou la continuité de l’attention, jointe à l’idée qu’on va dormir, qui provoque le sommeil. Certaines personnes peuvent s’endormir elles-mêmes en fixant un point lumineux ; chez beaucoup un bruit monotone et prolongé aboutit au même résultat. Et les animaux sont hypnotisés par des procédés semblables : une poule le sera par la blancheur d’une ligne tracée à la craie ou par un balancement rythmique, quand sa tête est cachée sous son aile au préalable.

Innombrables sont les phénomènes produits par la suggestion, chez les hypnotisés. Parfois ils restent d’apparence cataleptique et consistent dans la répéti-