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MIN
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amoncelée sous terre se dégage sournoisement un gaz carbonique, incolore, qui s’accumule et emplit l’atmosphère, et qui s’allume, explose au premier contact avec une flamme quelconque. C’est le coup de grisou. C’est par milliers que des mineurs ont été les victimes du terrible gaz. On connaît la catastrophe, en France, de Courrières, en 1906, où périt un millier de mineurs, et, plus près de nous, en Allemagne, celle d’Alsdorf qui a fait 282 victimes. Il n’est pour ainsi dire pas de semaine où, de l’Europe à l’Amérique, et de l’Afrique du Sud à l’Orient colonisé, la mine n’alimente de quelque hécatombe tragique la chronique des journaux à sensation. Combien d’ensevelis, murés dans les boyaux souterrains, qui ont connu les affres d’interminables agonies… Ailleurs, ce sont les poussières de charbon condensées qui déflagrent, c’est l’inondation, les éboulements, l’effondrement du plafond des galeries, le wagonnet qui vous coince et vous broie dans le passage étroit, le câble de la cage de descente qu’on « oublie » d’entretenir et qui se rompt, etc., etc. La mine offre le plus fort pourcentage d’accidentés du travail.

On pourrait, certes, améliorer les conditions de travail du mineur, et réduire considérablement les causes d’accidents. Mais il faudrait, pour cela, engager des dépenses, ne plus exiger un rendement aussi intensif, transformer l’aération, boiser à mesure et plus consciencieusement les galeries, etc… Mais l’on conçoit que cela ne fait pas l’affaire des exploitants. Qu’importe la santé ou la vie des ouvriers, ce qui compte, avant tout, c’est le profit des propriétaires !

La législation du travail a bien créé le corps des délégués mineurs, élus par les ouvriers. Mais comme ils sont, d’une part, des fonctionnaires dépendant plus ou moins du préfet et, d’autre part, que leur élection est presque toujours une manifestation politique, ce remède n’a pas apporté grande amélioration. D’ailleurs, qui tient compte de leurs avertissements ? La catastrophe de Courrières et l’impuissance du délégué Simon nous en a fourni un exemple typique.

Les premiers ouvriers de la mine furent des forçats, au sens réel du mot. Dans la Grèce antique et à Rome, les esclaves qui avaient déplu à leurs maîtres, ou commis quelque grave délit, rébellion ou désobéissance, étaient condamnés aux mines. Après la peine de mort, c’était la plus grave condamnation qui venait frapper la plus basse des castes sociales. De même, aujourd’hui, les travaux forcés viennent immédiatement après la guillotine ou la chaise électrique. La peine des mines est devenue, plus tard, la peine des galères ou des travaux forcés. Mineur, galérien, forçat, telle fut l’évolution. La Russie des Tsars a conservé la peine des mines jusqu’à la Révolution. Les forçats allaient travailler dans les mines de Sibérie. Est-ce cette origine qui a pesé, de tout le poids d’un passé séculaire, sur la condition des mineurs ?

Certes, la profession de mineur a suivi l’évolution générale. Le mineur est, lui aussi, théoriquement, un homme libre. Mais, en fait, les Compagnies, à qui l’on avait concédé le sous-sol, ont réalisé, on le conçoit, assez de bénéfices pour acheter le sol. Les sociétés minières, partout, détiennent le terrain ; l’ouvrier loge dans les maisons de la compagnie, dans l’alignée morne des « corons », s’approvisionne à ses économats va à son cinéma ou à son église. Des enquêtes suggestives ont montré cette dépendance. C’est le régime de la féodalité moderne qui contrôle jusqu’aux échappées intermittentes d’une illusoire activité politique.

On n’a pas oublié les longues et parfois violentes révoltes des esclaves de la mine, leurs sursauts courageux et comme désespérés, les grèves acharnées et tenaces. C’est le choc d’un prolétariat surexploité, dominé, surveillé, ligoté contre une lies plus formidables

puissances d’argent soutenue par les forces du pouvoir politique.

À notre époque de vie industrielle intense, la mine est indispensable au fonctionnement économique de la société. La captation des forces hydrauliques peut diminuer la nécessité des mines de houille, mais les autres mines conservent, pour l’instant, leur indispensabilité sociale.

Or, l’exploitation des mines exige, comme personnel et connue matériel, une organisation industrielle étendue et compliquée. À moins de revenir en arrière de plusieurs siècles et de renoncer à ses bienfaits, il faudra, de toute nécessité, sous n’importe quel régime social, conserver l’organisation industrielle de la mine. Et son fonctionnement n’est possible que par la formation de grands groupements collectifs de travailleurs, remplaçant les compagnies minières.

L’individualisme économique ne peut faire fonctionner la mine. Seul, le communisme libertaire, mettant à la place des exploitants l’organisation des producteurs associés, sur une très large échelle, peut continuer la production minière, sans laquelle la civilisation ne peut vivre.

La mine aux mineurs ! Ou plutôt le travail de la mine organisé par les mineurs associés, traitant sur les bases fédéralistes avec les autres corporations, adoucissant ensemble, au maximum, les conditions de travail : voilà le mot de libération que nous devons lancer continuellement aux forçats qui peinent dans leurs sombres galeries. – Georges Bastien.


MINISTÈRE n. m. (latin ministerium, de ministrare : fournir). Son sens le plus courant est celui de charge, d’emploi, de fonction. Ainsi pour les ministres du culte, et surtout, dans l’organisation politique des États, pour les personnages ayant la charge des affaires de la nation et faisant partie d’un gouvernement.

Déjà, dans l’antiquité, on appelait ministres les grands officiers entre les mains desquels les rois se déchargeaient d’une partie de leurs fonctions. À Rome, sous l’Empire, les ministres étaient moins des administrateurs que des officiers. On retrouve la trace de charges ministérielles chez les Mérovingiens ayant adopté les méthodes de l’administration romaine. Au moyen-âge, en France, les rois eurent des secrétaires d’État investis de l’administration intérieure des provinces. Avec Louis XIV, ces secrétaires devinrent des ministres, La Constituante confia le maniement des fonds d’État à des commissaires relevant de l’Assemblée. Elle rendit les ministres responsables de leur gestion tout en laissant au roi constitutionnel les prérogatives du choix et de la révocation. Après la chute de la royauté, le ministère devint un « Conseil Exécutif » nommé par la Convention qui remplaça les ministres par des commissions exécutives. Mais la Constitution de l’an III rétablit les dix départements ministériels. Premier Empire, Restauration, Second Empire virent des ministres en général trop dépendants du pouvoir pour être réellement responsables…

La IIIe République (Constitution de 1875) les rendit « solidairement responsables devant les Chambres » mais il s’agit là d’une responsabilité fictive. Aucune sanction, nulle amende ne frappent ministres incapables ou criminels. Ils peuvent à loisir se fourvoyer aux dépens du peuple, le traîner dans les aventures ruineuses et sanglantes, trafiquer de leur influence et dilapider les deniers publics… Depuis que le régime parlementaire, sous le contrôle de la finance et des grands détenteurs du capital, s’avère toujours plus corrompu, les ministres s’aventurent sans vergogne dans les entreprises équivoques. Le fait qu’un homme politique a trempé dans quelque scandale – dégradant selon la moralité courante – ne suffit pas à lui