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ssante offensive contre le mouvement syndical de tous les pays, offensive qui a d’ailleurs presque partout atteint son but, le mot « autonomie » a donné lieu à d’interminables controverses. — Selon qu’il est employé par les syndicalistes ou par les communistes, il a une signification ou une autre signification.

Fidèles à leur doctrine, interprètant dans son sens le plus complet et le plus large la charte constitutive de leur mouvement, les syndicalistes déclaraient et continuent à affirmer plus fortement que jamais, que le « Syndicat, aujourd’hui groupement de résistance et, demain, groupement de production, base de réorganisation sociale » doit être autonome et indépendant.

Si les syndicalistes ont constamment accouplé ces deux termes, c’est, indiscutablement, parce que, dans leur esprit, ils n’ont pas la même signification, parce que l’un a certainement une portée plus considérable que l’autre. Et c’est vrai.

En effet, « autonomie » signifie, pour les syndicalistes : droit, pour le syndicat, de s’administrer à son gré, tandis qu’indépendance veut dire : droit d’agir librement en toutes circonstances.

Ceci revient à dire qu’un groupement peut être autonome, tout en étant dépendant d’un autre. Il en est d’ailleurs de même d’un pays. Les Franco-Espagnols veulent bien, par exemple, reconnaître l’autonomie du Riff, mais se refusent à lui accorder l’indépendance.

Le Riff, autonome, continue à faire partie de l’empira marocain, tandis qu’indépendant, il devient un État qui ne doit plus au Sultan ni obéissance spirituelle, ni obéissance temporelle.

Il en est de même pour le syndicat et la C. G. T. Autonomes : les syndicats, la C. G. T., s’administrent librement, mais leurs actes n’en sont pas moins inspirés par le parti politique dont ils dépendent, dont ils doivent appliquer les décisions.

De tout temps, les partis politiques ont été disposés, pour sauver la face, à reconnaître l’autonomie des syndicats, mais ils firent toujours l’impossible pour rendre vaine leur indépendance.

De 1873 à 1906, les partis politiques, en France, n’eurent pour unique préoccupation, que de placer sous leur tutelle les syndicats, tandis que ceux-ci surtout sous l’influence de Pelloutier, de Merrheim, de Griffuelhes, mirent tout en œuvre pour affirmer leur indépendance et la conserver.

On pouvait croire que cette question était tranchée depuis le Congrès d’Amiens, en 1906, où les guesdistes, marxistes de l’époque, furent écrasés par les partisans de l’indépendance du syndicalisme. Il n’en fut rien. Il convient d’ailleurs de dire que le mouvement syndicaliste international, sauf l’Union syndicale italienne, la Confédération Nationale d’Espagne et l’Union des Travailleurs libres d’Allemagne, était partout lié étroitement avec le Parti Social-démocrate dont il dépendait réellement.

L’affaiblissement du mouvement syndical, la naissance d’un fort mouvement politique marxiste remirent tout en question, en 1919. — Les premières tentatives prirent un caractère sérieux, offensif, au Premier de l’Internationale syndicale rouge, à Moscou, en 1921. La majorité, acquise aux vues de Lénine, Boukharine, Trotski, Zinoviev et Lozovsky, vota une résolution dite : Tom Mann-Rosmer, qui indiquait que les syndicats, dans chaque pays et l’Internationale, sur son plan, étaient placés sous la direction politique du parti communiste ou de l’Internationale communiste.

Il n’était pas même question de l’autonomie du mouvement syndical, qui devenait ainsi un appendice du parti communiste.

Devant les protestations soulevées par cette décision, les partisans de la subordination totale des syndicats

durent biaiser. C’est à ce moment qu’ils joignirent leurs protestations aux nôtres et réclamèrent l’autonomie, pendant que nous insistions pour que l’autonomie et l’indépendance fussent reconnues au mouvement syndical.

Les militants, en général, ne faisaient pas, entre ces deux mots, la distinction nécessaire. La plupart demandaient l’autonomie, tout en croyant réclamer l’indépendance. Les communistes exploitèrent habilement cette erreur. C’est ce qui leur permit de triompher au Congrès constitutif de la C. G. T. U., en juillet 1922 à Saint-Étienne. C’est ce qui leur permit aussi de violer leur mandat au Deuxième Congrès de l’Internationale syndicale rouge, la même année, à Moscou et de voter — ce qu’ils nièrent d’ailleurs — la fameuse résolution Dogadow, copie exacte de la résolution Tom Mann-Rosmer, laquelle consacrait la subordination des syndicats au Parti politique communiste, nationalement et internationalement.

Si les militants syndicalistes, et aussi libertaires, avaient su distinguer entre « autonomie et indépendance », le mouvement ouvrier ne serait peut-être pas asservi, aujourd’hui.

Personnellement, j’ai toujours affirmé cette différence. La résolution minoritaire de St-Étienne en porte la trace évidente. Celles qui furent présentées ou votées par la suite, par nombre de Congrès régionaux, fédéraux et confédéraux, en apportent la confirmation certaine.

C’est sur la valeur de ces deux termes, trop longtemps considérés comme synonymes, qu’il faut éclairer les camarades, si on veut recréer d’abord le véritable esprit syndicaliste, éviter d’aussi funestes erreurs, plus tard.

L’autonomie d’un groupement, d’un mouvement, c’est une chose précise. L’indépendance de ce groupement, de ce mouvement en est une autre, non moins précise, mais très différente.

Et tous les militants, tous les ouvriers doivent savoir distinguer l’une de l’autre.

Ce sont des questions importantes qui se poseront demain avec une acuité beaucoup plus considérable. Il importe de les bien connaître afin de ne pas retomber dans cette erreur considérable, puisqu’elle a eu pour résultat la dissociation et la domestication du mouvement syndical dans tous les pays. — Pierre Besnard.


AUTORITÉ. n. f. Malgré l’usage constant et aisé de ce terme, ou plutôt grâce à cet usage précisément, on l’applique avec une légèreté déconcertante, comme d’ailleurs tant d’autres (domination, dictature, violence, etc…), à des notions et des phénomènes de nature très différente, ce qui mène à de multiples confusions, malentendus, contradictions et erreurs.

Nous lisons dans un grand dictionnaire : « Autorité. Droit ou pouvoir de commander, de se faire obéir ». Cette définition est suivie de plusieurs autres qui correspondent à différents emplois de ce terme. Dans d’autres dictionnaires, les définitions varient sensiblement.

Dans le langage commun, écrit ou oral, on évoque couramment l’Autorité de Dieu, de la Loi, du Père, du Chef, etc… On discerne : l’autorité suprême, l’autorité civile, l’autorité militaire, et ainsi de suite. — On dit représentant de l’Autorité. — On dit encore : autorité publique ; autorité maritale ; autorité naturelle. — On parle souvent de l’autorité de la chose jugée, de l’autorité des mots, etc. — On parle aussi de l’autorité morale. — On dit, fréquemment d’un homme : c’est une grande autorité dans telle ou telle branche de la Science ou de l’Art… Bref, on marie le terme Autorité avec une quantité de mots et de notions, comme si ce terme était absolument précis et communiquait la même précision