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substances terrestres. Magnifique témoignage de l’unité et de la continuité de la vie dans l’immense univers dont notre globe n’est qu’une parcelle infime !

L’homme ne se contenta pas de cette dislocation de la matière organique ou de ses composants simples. Il reprit les produits de cette analyse et par des artifices divers en réussit la synthèse, parvint à créer de toutes pièces les substances bien définies normalement élaborées par les actions vitales. Ainsi furent successivement réalisées la synthèse de l’urée par Wobler, celle de l’acétylène par Berthelot. Cette dernière engendra de nombreuses et très importantes conséquences théoriques et pratiques. En partant de l’acétylène, on arriva à former de la benzine ; des alcools, des éthers, des aldéhydes ; des corps ternaires (hydrogène, oxygène, carbone) ; des corps quaternaires (hydrogène, oxygène, carbone, azote) très voisins de l’albumine dont est principalement composée la matière vivante.

La physicochimie découvrit que les corps en apparence homogènes, se décomposent en particules très petites, spécifiquement différenciées pour chacun d’eux, ayant leurs caractères propres, pouvant entrer en combinaison plus ou moins stable avec les autres espèces chimiques, mais reprenant leur état originel lors de la séparation des constituants du complexe. Ces particules portent le nom de molécules, visibles au microscope mais invisibles à l’œil nu. Leur existence se présume aussi par les phénomènes de dissolution du sucre dans de l’eau, par exemple : le liquide formé est une substance nouvelle où l’on ne distingue plus nettement ni le sucre ni l’eau, mais où les deux éléments se trouvent mêlés, juxtaposés mais présents et identiques à eux-mêmes puisque l’évaporation permet de les isoler et de les restituer en leur nature antérieure : ce qui persiste immuable dans la solution sucrée et dans le sucre recristallisé, ce sont, sous des structures dissemblables, des molécules de sucre et d’eau, dont seul le mode d’agrégation diffère pour donner tantôt un solide, tantôt un liquide.

Un mouvement incessant agite ces molécules, comme le prouve la diffusion spontanée et réciproque d’un liquide plus léger dans un liquide plus dense, par exemple celle de l’alcool surnageant d’abord l’eau d’un vase, puis se mélangeant peu à peu à elle jusqu’à dissolution parfaite sous l’influence évidente d’un actif déplacement moléculaire. Il n’y a donc pas pour les particules élémentaires d’état d’équilibre stable. D’ailleurs, « comme l’homogénéité, l’équilibre n’est qu’une apparence qui disparaît si l’on change le grossissement sous lequel on observe la matière. Plus exactement cet équilibre correspond à un certain régime permanent d’agitation désordonnée. À l’échelle ordinaire de nos observations, nous ne devinons pas l’agitation intérieure des fluides, parce que chaque petit élément de volume gagne à chaque instant autant de molécules qu’il en perd, et conserve le même état moyen de mouvement désordonné. (J. Perrin, « les Atomes », page 8.)

Ces molécules mobiles ne constituent pas le dernier terme de l’analyse physico-chimique. On y a décelé un ou plusieurs éléments appartenant chacun à une sorte déterminée, de fonction irréductible, appelés « atomes », doués d’un mouvement de gravitation extrêmement rapide. Ces atomes présentent une masse centrale, véritable « électron positif » autour duquel tourbillonnent un certain nombre d’ « électrons négatifs ». « Ces électrons ne sont pas matériels, au sens ordinaire du mot : la matière n’est que l’apparence que prend pour nos sens l’énergie qu’ils représentent, énergie colossale dont la valeur a pu être calculée : elle se chiffre, pour un seul gramme, par des millions de kilogrammètres. Les vitesses de rotation des électrons négatifs sont,

elles aussi, prodigieuses et, fait singulier, elles sont de même grandeur que les fréquences vibratoires de la lumière, soit des centaines de trillions par seconde. » (J. Anglas, « Depuis Darwin » ). Ce qui revient à dire que les corps électrisés, électrons positifs et négatifs, constituent des centres réciproques d’attraction ou de répulsion, susceptibles de déterminer du mouvement par l’action du mouvement dont ils sont eux-mêmes animés. (Edmond Perrier.)

Sous des influences diverses, les atomes subissent des changements dans leur architecture, dont la dislocation engendre des groupements particuliers d’électrons tous de même charge électrique, positive ou négative ; cette métamorphose dans l’état électronique des atomes s’appelle « ionisation » ; et un « ion » se définit comme une partie d’atome isolée de son groupement originel, ou comme une réunion de parties d’atome séparées de leur centre primitif. À l’inverse des atomes composés à la fois d’électrons de charge positive et négative, les ions ne renferment que des électrons de même signe négatif ou positif ; ils sont mutuellement et temporairement indépendants et prêts à de nouvelles combinaisons atomiques. La libération des ions et leur regroupement constituent les phénomènes primordiaux de la chimie organique et biologique.

Les substances naturelles se présentent sous deux états distincts : cristalloïde et colloïde. Les cristalloïdes, comme le sel, se dissolvent dans l’eau par une sorte d’explosion de leurs molécules qui se séparent violemment en exerçant une forte pression sur les parois membraneuses, qu’elles traversent facilement (phénomène de l’osmose). ― Les colloïdes, tels que la gélatine, absorbent de l’eau, fondent mais sans dispersion de leurs molécules qui, au contraire, restent agglomérées et ne pénètrent pas les membranes. Ils se composent de particules microscopiques mouvantes appelées « micelles », Plus volumineuses que les molécules des cristalloïdes, les micelles ont une organisation plus complexe, semblable à celle des atomes mais à une échelle plus grande : masse centrale électronique, autour de laquelle gravitent des ions libres de signe électrique contraire et en état permanent d’équilibre instable. La micelle perd des ions, en acquiert d’autres en incessante agitation. Quand, sous une influence quelconque, elle perd sa charge électrique, elle se coagule (phénomène de la floculation). L’état colloïdal s’obtient expérimentalement par divers procédés chimiques ou physiques. « Ainsi un arc électrique puissant, qui jaillit dans l’eau entre deux électrodes de platine, produit une pulvérisation tellement ténue du métal, que celui-ci prend l’état colloïdal, véritable suspension micellaire. Par ce moyen et par d’autres, beaucoup de corps simples, métaux ou métalloïdes, ont été obtenus sous forme colloïdale : or, argent, soufre, mercure, etc. (J. Anglas, loco citato, p. 78.) », Ces métaux colloïdaux possèdent le pouvoir de « catalyse », c’est-à-dire de déterminer par leur présence des combinaisons chimiques, de véritables synthèses organiques.

L’étude de la matière vivante a montré en elle un véritable colloïde très instable, à micelles électroniques de charge variable, en état successif mais constant soit de dispersion soit de floculation. Quelques micelles très ténues, appelées « diastases », jouent le rôle des métaux catalyseurs et provoquent des synthèses, obtenues d’ailleurs indifféremment par l’action des diastases ou des catalyseurs : soufre, phosphore, manganèse, zinc, calcium, contenus dans les albuminoïdes. Les produits de ces synthèses constituent les « sécrétions » que la cellule, ou colloïde organique, déverse dans les glandes, dans la circulation générale ou à l’extérieur. Qu’elle appartienne à un colloïde organique ou à la matière vivante, une micelle subit