Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
BIO
247

des modifications incessantes ; « par ses échanges continuels d’ions et de charges électriques avec le milieu, elle n’est identique à aucune autre, ni à elle-même à deux moments différents ; cependant on peut dire qu’elle continue à exister malgré ces modifications. Mais cette expérience ne se maintient que dans une certaine zone d’équilibre qui ne doit pas être dépassée sous peine de dislocation totale et de mort. Le passage d’un état d’équilibre à un autre correspond à ce que l’on nomme, pour l’ensemble d’un être vivant, l’adaptation, la variation ou la mutation. On a même constaté chez les micelles une véritable accoutumance ; elles peuvent supporter peu à peu des doses croissantes d’un électrolyte qui, de prime abord, les auraient démolies brutalement. » (J. Anglas).

À ce moment de la science biologique, et malgré que celle-ci en soit seulement à ses premières acquisitions définitives, il demeure établi que la vie est un ensemble d’actions et de réactions physico-chimiques dont le mouvement constitue le processus initial. Dans les minéraux, les végétaux, les animaux, l’analyse découvre les mêmes corps simples, de structure moléculaire et atomique identique, mus par de semblables manifestations électroniques, subissant d’analogues excitations catalytiques et diastasiques pour se transformer ou produire des substances nouvelles. Mais combien innombrables, variées, complexes, les formes des choses et des êtres issus des modes multiples d’agrégation de ces molécules primitives ! Et l’ingéniosité des hommes parvint à recréer de toutes pièces quelques-unes de ces formes, à dissocier puis à regrouper les éléments primordiaux en de remarquables synthèses.

Nul, objecte-t-on, ne réussit à fabriquer dans son laboratoire la moindre parcelle végétale ou animale vivante capable d’assimilation et de reproduction. Il est vrai, pas encore. Mais qui oserait en décréter l’impossibilité, alors que le génie humain, jusqu’ici stupéfié par les dogmes religieux, commence à peine ses libres investigations ? Il y a quelques années, le phénomène de l’assimilation chlorophyllienne apparaissait mystérieux, quasi-miraculeux. Sous les radiations solaires, la plante aspirait dans le sol de l’eau chargée de sels minéraux, captait par ses feuilles l’acide carbonique de l’air, exhalait de l’oxygène, et, au niveau de ces mêmes feuilles, réalisait le prodige de la création de matières organiques, d’hydrates de carbone, fabriquait du sucre et de l’amidon. Elle absorbait de l’énergie cosmique, c’est-à-dire du mouvement, prenait des ions, en libérait d’autres, transformait les charges électroniques et engendrait un nouvel équilibre moléculaire. La plante créait ainsi une forme supérieure ou plus développée de vie minérale, la vie végétale, dont va s’emparer et se nourrir un autre assemblage moléculaire encore plus élevé et plus complexe : l’animal ; l’homme, élabore à son tour et à son choix les deux autres états, brut et organique, de la matière. Pourquoi ce primate intelligent n’arriverait-il pas à reproduire le troisième, qui est le sien propre ?

Ainsi donc, de nos jours, sous nos yeux, nous voyons se former, se développer, se transformer, puis disparaître des groupements moléculaires minéraux, végétaux et animaux, les uns très simples, infiniment petits, composés d’un seul cristal ou d’une seule cellule, les autres immenses et merveilleusement compliqués. Nous assistons au passage successif du même atome de l’état cristalloïde dans la terre à l’état colloïdal dans les plantes et les bêtes. Dès lors la logique scientifique impose de confronter aujourd’hui avec autrefois ; d’aller du connu à l’inconnu ; de rechercher l’origine de la vie ailleurs que dans une thaumaturgie puérile ou une introspection illusoire, stérile, et de l’étudier dans ses manifestations actuelles pleines d’enseignement.

Il y a des millions d’années, comme aujourd’hui, les substances minérales en solution aqueuse à la surface de la terre subirent l’action des forces électrogènes et électrolytiques de l’ambiance et se transformèrent en matière organique par un mécanisme analogue à celui qui réalise la synthèse du sucre et de l’amidon dans la plante, la synthèse de l’acide azotique et du chlorure de calcium dans les laboratoires et les usines. Les colloïdes ainsi constitués continuent à recevoir l’appoint des particules métalliques (attraction, absorption), qui par leur action de présence (catalyse) renforcent les réactions internes ; celles-ci atteignent alors une intensité telle qu’elle exige une décharge partielle (répulsion, sécrétion) et la libération d’un fragment élémentaire (reproduction) devenant un centre nouveau d’agitation moléculaire. Les colloïdes sont devenus des cellules, ne cessent pas d’éprouver des impulsions indéfinies de la part des catalyseurs et des diastases, s’agrègent en des organismes de plus en plus complexes, dont le mouvement, processus interne et général, devient une fonction différenciée et extrinsèque. La vie intégrale et riche se manifeste, issue du minéral pour se parfaire en l’homme.

Mais vit-on jamais sortir du cabinet du plus grand savant le moindre petit homme, ni même la plus infime cellule ? Non, sans doute, « mais on se rend compte que les conditions naturelles où la vie s’est élaborée sont probablement impossibles à réaliser au laboratoire ; car le laboratoire de la nature fut la planète elle-même avec toutes ses circonstances de temps, de masse, d’actions multiples dont nous ne sommes pas les maîtres. En tous cas si l’on arrivait à fabriquer un protoplasma indéniablement vivant, il différerait forcément de tous ceux qui existent : il ne serait ni celui d’une algue, ni d’une bactérie, ni d’un protozoaire déjà connu. Donnerait-il, en évoluant, naissance à des êtres vivants plus complexes, ceux-ci constitueraient à coup sûr un nouveau groupe, un nouveau sous-règne bien distinct des végétaux ou des animaux de notre globe, qui ont leur histoire ancestrale particulière. » (J. Anglas, loc. citato, p. 69).

Ces forces, créatrices de la vie, d’où viennent-elles, que représentent-elles ? Elles ne viennent pas, elles sont, et ne représentent qu’elles-mêmes. Dans tout l’univers accessible à l’investigation, on les retrouve identiques et immuables. Ainsi, la fréquence de rotation des électrons atomiques est du même ordre de grandeur que celle des vibrations de l’éther. D’autre part, « les phénomènes qui se produisent dans les tubes de Crookes d’où s’échappent les rayons X, démontrent jusqu’à l’évidence que les atomes matériels ne sont pas quelque chose de simple. Parmi les hypothèses qui ont été présentées sur leur constitution, on peut accepter qu’ils sont formés de petites masses matérielles infimes, chargées d’électricité positive, autour desquelles tournent, comme des satellites autour d’une planète, un très grand nombre de corpuscules énormément plus petits, dont les masses sont de mille à deux mille fois plus faibles que celle de l’atome d’hydrogène, qui est la plus petite quantité de matière connue (Edmond Perrier). » Enfin l’éther, dans lequel baignent les planètes, est formé de ces mêmes particules infinitésimales constitutives de l’atome matériel. Et en dernière analyse et première synthèse, la vie s’avère une manifestation hautement différenciée du mouvement qui anime le cosmos.

Des esprits, plus systématiques que vraiment curieux, demandent : qui ou qu’est-ce qui déclencha le mouvement initial promoteur de la gravitation universelle ? Quand on leur répond : nous ne savons, ils déclarent insatisfait le principe de causalité, pas d’effet sans cause, se disent affamés de logique pure et affirment Dieu ! Dès lors, puisque rien n’est à soi-même sa propre