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CADRE. n. m. (de l’italien quadro, carré). On appelle cadre une bordure de bois, de bronze, etc… qui entoure une glace, un tableau, un panneau, etc… Le même mot sert aussi à designer toutes sortes de châssis. Enfin, le mot cadre est très employé au sens figuré, notamment pour désigner le tableau des services et des fonctionnaires d’une administration (ex. : être rayé des cadres), ou bien l’ensemble des gradés et des employés spéciaux d’une troupe militaire (ex. : les cadres d’un régiment). Tous les systèmes sociaux autoritaires aiment à parquer les individus dans des cadres où ils obéissent à une discipline méthodique et avilissante. Pour les communistes — encore plus peut-être que pour les bourgeois — l’organisation par le cadre est l’organisation rêvée ; c’est elle, en effet, qui transforme le plus sûrement l’homme en un instrument passif et docile dont on peut retirer un rendement maximum. L’esprit d’initiative et d’indépendance — ces forme si dangereuses de l’esprit ! — sont peu à peu annihilées, et les gouvernants peuvent agir en toute tranquillité sans craindre un réveil de la masse. Il faut donc que le peuple refuse rigoureusement de se laisser enfermer — et peu à peu étouffer — dans les cadres que les puissants s’efforcent d’entourer d’avantages trompeurs. Tout cadre est un collier pour une catégorie de citoyens. Les anarchistes doivent donc briser les cadres comme ils briseraient des chaînes.


CADUCITÉ. n. f. La caducité et l’état de ce qui est vieux, faible, cassé, décrépit. Le mot s’emploie aussi bien pour l’homme que pour les choses. L’homme devenu caduc, est souvent un obstacle au progrès ; les idées hardies l’effraient facilement, et il préfère la routine aux initiatives osées. Or, les gouvernements sont en général composés de politiciens déjà fort âgés et ce fait explique que, en dehors de la nocivité des principes gouvernementaux, les dirigeants d’un pays soient toujours réfractaires aux suggestions généreuses et larges. Ne nous en plaignons pas, d’ailleurs, car leur intransigeance et leur étroitesse d’esprit permettent au peuple de mieux mesurer leur ignominie. Un manque de libéralisme est, en effet, toujours plus dangereux qu’un autoritarisme brutal, car il parvient souvent à tromper la multitude naïve et confiante. Mais la caducité de l’homme n’est pas la seule qui soit à craindre. La caducité des institutions, des lois et des morales est bien plus dangereuse encore. Les vieillards néfastes qui sont a la tête des gouvernements, par crainte d’une innovation qui pourrait être une libération, renforcent des lois décrépites qui emprisonnent les individus dans un tissu de menaces. Les mœurs ont beau changer avec les siècles, les lois demeurent toujours les mêmes, toujours plus oppressives. De même les morales officielles. De même les institutions. Tout le bric-à-brac de l’autoritarisme, tout ce matériel vieillot d’abrutissement tout l’héritage désuet du passé, tout cela est rafistolé tant bien que mal par les politiciens en exercice, — et les classes travailleuses doivent supporter ce fardeau de Jour en Jour plus intolérable. Espérons que l’heure est proche où les spoliés se refuseront à endurer plus longtemps l’emprise d’un passé tyrannique. Ce jour-là s’écrouleront toutes les entités caduques qui barrent la route du progrès social et, enfin, nous pourrons instaurer une vie nouvelle où, seules, prévaudront les choses saines, vigoureuses et fécondes.


CAFARDISE. n. f. On appelle cafardise une action ou une parole de cafard ; c’est-à-dire d’hypocrite prêt a toutes les délations. Pour obtenir une récompense ou pour se faire bien voir du maître, patron, etc…, le cafard n’hésite pas à dénoncer le camarade qui a enfreint un quelconque règlement, et lui attire ainsi une sanction plus ou moins grave. La cafardise est en

général une conséquence de la mentalité d’esclave. C’est une action des plus viles, et celui qui s’en rend coupable mérite le mépris absolu de tous. Celui qui est capable d’une petite cafardise peut être capable d’une grande trahison. On ne peut guère descendre plus bas dans l’infamie.


CAGOTISME. n. m. Le cagotisme est le caractère de celui qui est cagot, c’est-à-dire qui affecte une dévotion hypocrite et outrée. Synonyme de bigot (voir ce mot).


CAHIER. n.m. On appelle cahier un assemblage de feuilles de papier cousues ensemble. Autrefois, le mot cahier servait à désigner un mémoire de doléances ou de remontrances adressé au souverain. (Ex. : Les cahiers du tiers.) De nos jours on entend encore par cahier des charges, l’ensemble des clauses imposées à un adjudicataire ou à un acquéreur. Le cahier des charges est déposé dans un lieu public où chacun peut en prendre connaissance, et il en est donné lecture avant la réception des offres. Dans les ventes faites par autorité de justice, le cahier des charges est destiné à faire connaître les conditions de vente aux futurs acquéreurs.

Enfin, le mot cahier est employé aujourd’hui dans l’expression cahier de revendications. Le cahier de revendications est l’ensemble de légitimes exigences d’un syndicat ou d’un certain groupe de travailleurs. C’est ce cahier que les ouvriers lésés présentent au patron pour lui arracher d’infimes améliorations de leur travail : journée de huit heures, adaptation des salaires au coût de lit vie, etc… Souvent, hélas, pour faire accepter ce cahier de revendication, les travailleurs sont obligés de recourir à la grève. La mentalité patronale est telle, en effet, que les ouvriers ne peuvent faire aboutir une revendication que s’ils savent l’imposer. Les exploiteurs, ne connaissant qu’une chose : la force, obligent leurs adversaires à en user. Mais le jour n’est pas loin, espérons-le, où plus ne sera besoin de cahiers de revendications. Ces améliorations de leur sort qu’on leur dispute si âprement, les travailleurs sauront les conquérir de haute lutte sur les parasites de l’industrie, de la politique ou du commerce. Et l’on ne verra plus d’arrogants jouisseurs marchander une bouchée de pain à des familles laborieuses.


CAIMAN. n. m. (caraïbe : acayouman). Le caïman est une espèce de crocodile des fleuves d’Amérique et de Chine à museau long. Au sens figuré, on dit de quelqu’un que c’est un caïman lorsque, avide et sans scrupules, il n’hésite pas à exploiter ses semblables de la plus ignominieuse façon. Ainsi est un caïman le patron qui fait travailler ses ouvriers 10 ou 12 heures par jour, à des salaires de famine, pour pouvoir agrandir sa fortune. La classe ouvrière, aujourd’hui, est malheureusement victime d’innombrables caïmans de ce genre, qui s’engraissent du sang et de la sueur des travailleurs. Aucune pitié n’est à attendre de pareils monstres. De même que pour les caïmans des pays exotiques, la force seule peut venir à bout de ces caïmans humains — ou plutôt à forme humaine seulement, puisque tous les sentiments nobles de l’homme leur sont inconnus… C’est pour cela que les anarchistes haussent les épaules quand des réformistes proposent une entente du peuple avec ses bourreaux. On ne parlemente pas avec une bête féroce !…


CALAMITÉ. n. f. (latin calamitas). On appelle calamité, un grand malheur qui atteint toute une catégorie d’individus. Exemple : La guerre, source de bénéfices pour les dirigeants, est une calamité pour les peuples. Notre société actuelle abonde en calamités de toutes sortes et de toutes grandeurs. Sont des calamités pour les travailleurs : la finance, la poli-