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COE
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la coéducation au nom de la morale. C’est ainsi que Mlle  Petitcol écrit : « La morale, certes, n’est pas plus en danger qu’ailleurs dans une classe mixte… »

Marro, dans La Puberté chez l’homme et chez la femme, écrit :

« La trop longue séparation des jeunes gens des deux sexes dans des pensionnats spéciaux est au plus haut degré favorable au développement des tendances contre nature, et est nuisible au développement moral normal de l’un et l’autre sexe. Il est nécessaire que le caractère demeure dûment exposé à l’influence de tous les agents naturels qui concourent à sa formation et le plus puissant d’entre eux est certainement celui exercé par la présence des individus de sexe différent ».

Le pédagogue américain Stanley Hall, qui reproche à la coéducation de faire des abeilles ouvrières mais point de reines et lui est hostile à divers points de vue, affirme que la coéducation « favorise les idées saines du sexe, elle prévient d’une part les imaginations souterraines et basses, et, de l’autre une sentimentalité morbide ».


Si nous pensons que le régime coéducatif est plus favorable aux bonnes mœurs que le régime unisexuel, nous n’ignorons pas que le mal appliqué à la coéducation peut, à cet égard, présenter quelques dangers qu’il est assez aisé d’éviter :

1° La coéducation n’est pas un dogme et les quelques élèves anormaux auxquels elle ne convient pas doivent être élevés dans des écoles spéciales, ainsi que nous l’avons déjà fait observer.

2° Les enfants déformés par le régime unisexuel s’adaptent mal au régime coéducatif lorsqu’on leur impose ce régime aux approches de la puberté. Il est donc prudent de ne pas introduire dans les écoles coéducatives de grands élèves ayant fait un long séjour dans d’autres écoles.

3° Il faut tenir compte des instincts des enfants ou des jeunes gens soumis au régime coéducatif. Il est un âge où les garçons ne se préoccupent que des individus de leur sexe et pendant une certaine période, au moment de la crise de la puberté, les jeunes filles se détournent instinctivement des garçons. Il n’est point besoin cependant de revenir au régime unisexuel et de séparer les sexes. Le contact journalier ramènera plus tard un rapprochement que l’on compromettrait par cette séparation. Il serait d’ailleurs difficile de réaliser une organisation scolaire séparatiste pour cette seule période de crise qui est loin de commencer à un âge précis et dont la durée varie également suivant les individus. On compromettrait aussi le rapprochement futur si, pendant cette période, on voulait l’imposer en ne laissant plus aux jeunes gens la liberté de se grouper autrement qu’auparavant pour leurs jeux et certains de leurs travaux collectifs.

Si nous défendons la coéducation, nous y mettons donc toujours ces deux conditions : le régime coéducatif sera individualisé autant que possible et il sera, autant que possible également, un régime de liberté.


Aux deux conditions, que nous venons de rappeler, la coéducation ne peut avoir que de bons résultats en ce qui concerne l’éducation intellectuelle et l’éducation manuelle.

Certes les aptitudes et les intérêts des jeunes filles diffèrent de celles des jeunes garçons, et nous aurons l’occasion d’en reparler plus tard, mais les différences individuelles entre enfants du même sexe sont plus importantes encore et l’individualisation de l’enseignement serait presque aussi nécessaire dans les écoles unisexuelles que dans les écoles coéducatives.

Les faits prouvent suffisamment la supériorité du régime coéducatif à cet égard pour nous éviter de longs développements.

En Angleterre, les élèves des écoles mixtes obtiennent de meilleurs résultats aux examens que ceux des écoles où les sexes sont séparés.

En Amérique, l’installation du régime coéducatif a amélioré la quantité du travail intellectuel.

En France, Mlle  Petitcol, hostile, ainsi que nous l’avons vu, parce qu’elle veut des femmes soumises, reconnaît que : « Les études, bien loin de souffrir, puisent dans son atmosphère un stimulant nouveau. »


Enfin, on ne manque pas de faire valoir que l’école, devant préparer à la vie, doit être différenciée comme l’est le travail des deux sexes.

Cet argument a quelque peu perdu de sa valeur depuis que de nombreuses carrières ― soi-disant masculines ― sont occupées par des femmes.

Si d’ailleurs les écoles doivent être différenciées pour préparer à des métiers différents, cette différenciation doit se faire d’après la spécialisation et non d’après le sexe.

On peut aussi songer à la différenciation du travail de l’homme et de la femme au foyer domestique. Incontestablement cette différenciation existe. Elle n’existe souvent que trop et généralement aux dépens de la femme. On oublie que, là surtout où la femme travaille à l’atelier, l’homme peut et doit l’aider aux travaux ménagers. Il faut également penser aux célibataires, aux veufs et aux veuves, aux maladies, enfin à tous les cas où il est bon que l’homme soit capable de faire des travaux féminins et à ceux où la femme doit pouvoir exécuter une besogne d’homme.

Rien n’empêche cependant, que pour certaines études, plus utiles généralement à un sexe, on sépare exceptionnellement les sexes. Si par exemple on donne des leçons de puériculture aux jeunes filles seulement, cela ne mettra pas la coéducation en péril et n’ôtera pas toute valeur au rapprochement habituel des sexes.

La coéducation n’est pas un dogme et le rapprochement des sexes ne doit pas être une nouvelle tyrannie.

En éducation, ce qui importe le plus, c’est de favoriser le libre épanouissement des individualités et la coéducation bien comprise ne peut que contribuer à l’obtention de ce résultat. ― E. Delaunay.


COERCITION. n. f. La coercition est la contrainte physique, matérielle, brutale, qui s’exerce contre les individus pour les obliger à accomplir un acte ou un geste qu’ils réprouvent. On confond assez fréquemment coercition avec répression et, cependant, ces deux mots ont une signification tout à fait différente. La répression sévit en vertu des lois et pour réprimer un crime ou un délit qui a déjà été commis, alors que la coercition n’est pas forcément répressive. Elle est toujours oppressive. Le juge d’instruction use de la coercition pour s’instruire sur un délit dont un individu est supposé s’être rendu coupable. Le policier n’use pas mais il abuse de la coercition et, malgré le silence complice de toute la presse, de toute la magistrature, c’est le secret de polichinelle que la police judiciaire, en France, emploie des procédés de coercition monstrueux, pour arracher des aveux aux malheureux qui tombent entre ses griffes. La bourgeoisie peut s’enorgueillir de tout son appareil judiciaire. Il rappelle les plus beaux jours de l’Inquisition. Mais tout cela, ce ne sont que des effets ; ce sont les causes qu’il faut détruire pour voir disparaître et la répression et la coercition.